A Toute Allure – Tunisie : Où est la nouvelle presse?

La décision annoncée à grand renfort d’applaudissement lors du congrès du
SNJT
(Syndicat national des journalistes tunisiens) d’établir une liste noire des
journalistes notoirement corrompus avec le régime de Ben Ali exprimait un
sentiment de frustration chez beaucoup de journalistes devant l’existence encore
de certains noms qui étaient les chouchous de l’ATCE et de Ben Ali et qui
continuent à écrire sur la révolution et la nouvelle Tunisie comme s’ils étaient
les champions du 14 janvier…

D’autre part, le jugement rendu contre Abdelaziz Jeridi, jugement lourd avec une
peine d’emprisonnement ferme, a été bien accueilli par beaucoup de Tunisiens,
car il inaugure une nouvelle ère de justice où le juge peut enfin dire le droit
dans n’importe quelle situation. Il faut se rappeler qu’un procès du genre
Krichen contre Jeridi était impensable aux temps révolus de Ben Ali et même de
Bourguiba.

Sur la scène médiatique, des nouveaux titres commencent à apparaître timidement
sur les étals des marchands de journaux, mais nous sommes loin de ce raz de
marée qu’on pensait observer après la révolution et qui s’est vérifié en Algérie
par exemple juste après les émeutes de 1988.

Les journaux en Tunisie ne sont pas nombreux, dominés par le genre tabloïd
hebdomadaire que les français appellent «le quotidien du 7ème jour» et qui
ressemble aux tabloïds anglais même au point de vue contenu. Contenu tapageur et
racoleur basé sur beaucoup de faits divers, des infos people et du sport. Ce
modèle, institué par l’expérience de feu Slaheddine El Amri lors de son passage
à EL BAYANE en 1978 et qui a pris ses lettres de noblesse avec ALANOUAR du même
Amri dans les années 80 de Mzali est encore le modèle dominant et même pour les
nouveaux titres d’après la révolution… Nous attendons donc l’avènement des
médias de la révolution qui se font encore désirer.

A vrai dire, nous attendons encore les prémisses de la révolution médiatique qui
prendra bien sûr un certain temps avant d’apparaître à tous les niveaux. Nous
pouvons dire que certains médias comme les radios et les médias électroniques
avancent plus rapidement que la télé et les journaux non partisans. La presse
partisane est au diapason bien sûr, mais elle est encore dominée par le concept
de «la voix de son maître», et c’est normal puisqu’elle est le porte-parole du
parti…

Le secteur a besoin d’un travail énorme de rétrospective et de projection sur
l’avenir pour revoir tous les problèmes posés par la nouvelle donne démocratique
dans un paysage non encore démocratique comme nous le vérifions tous les jours,
et qui le sera pour une certaine période avant d’asseoir notre modèle
démocratique.

L’un des dossiers les plus urgents que le bureau du syndicat doit mettre sur la
table concerne la formation, celle de l’IPSI à revoir complètement d’urgence et
la formation continue dont nous avons tous besoin tout de suite afin de sortir
des anciennes méthodes d’écriture et d’analyse et afin d’asseoir des nouvelles
habitudes saines et bienfaisantes.