Les peuples arabes se réveillent, les peuples arabes se révoltent, les peuples arabes veulent en finir avec les dictatures qui les ont étouffés pendant des décennies et des décennies; les peuples arabes disent tout haut ce qu’ils disaient pendant de longues et lourdes années, tout bas, et encore!
On se réveille aujourd’hui, et depuis le 14 janvier tunisien sur des revendications, des demandes de droits, des cris de joie parce que l’irréalisable s’est enfin réalisé, cris de frustration compréhensibles –il suffit de se rappeler de comment ces peuples vivaient-, comparaisons entre pays ou même entre régions au sein du même pays…
La mémoire collective est hélas traumatisée par un passé lourd, triste et injuste, l’esprit n’est ni serein ni lucide, on est impatient, inquiet, peut-on encore faire confiance? Est-on au courant de ce qui se passe vraiment? Nos révolutions vont-elles changer les choses? Les centaines qui sont morts pour notre liberté reposeront-ils enfin paisiblement dans leurs tombes? Serons-nous de vraies démocraties et si ce sera le cas, quelles seront les spécificités de la nôtre, sachant que la démocratie n’est pas un modèle à importer et qu’il faudrait l’adapter à tout un contexte qui est le notre? Toutes ces inquiétudes et tant d’autres sont légitimes; il s’agit d’une donne tout à fait nouvelle.
Les peuples sont pressés et veulent voir d’ores et déjà des choses nouvelles se mettre en place. Ces peuples qui ont fait et continuent de faire leurs révolutions, savent, mais perdent de vue par moment et vu le cours des événements que les révolutions prennent du temps. Il s’agit là de tout un processus, les changements ne viennent pas en un clin d’œil. Le facteur du temps est très important car il y a réflexion, tergiversation, avancement, retour, doute, incertitude. Qu’on le veuille ou non cela fait partie de cette démarche, de ce processus. Il suffit de voir via un flash back le temps que les révolutions avaient pris pour arriver enfin à fonder des bases nouvelles.
A mes compatriotes tunisiens et à mes compatriotes du mode arabe, je voudrais dire: «il faut donner du temps au temps». L’emploi, la santé, l’infrastructure, l’égalité entre les régions ne viennent pas en cliquant du doigt. En revanche, je n’appelle pas à une attente passive, j’appelle plutôt à accepter des fois les petites ou les demies solutions en attendant le meilleur, qui est certainement à venir. L’emploi et la santé sont des droits fondamentaux mais aucun pays au monde ne peut atteindre l’étape «problème zéro», sinon ce serait parfait, c’est ce qu’il ne faut pas perdre de vue, et c’est ce réalisme et ce sens du pragmatisme qu’il faut avoir.
A tous ceux qui en ont marre d’attendre et d’entendre des promesses qui n’aboutissent jamais, je voudrais dire: le plus dur a été fait, l’histoire ne fait guère marche arrière, le meilleur est à venir, mais encore une fois, il faut donner du temps au temps, il faut donner du temps à ceux qui travaillent et essayent de trouver des solutions. Aussi faudrait-il relativiser cette question du temps et de l’attente surtout quand on sait que durant ces quatre derniers mois, d’autres peuples voisins ont subi et subissent encore des massacres, jour et nuit. /p>