Levée de boucliers contre un projet gouvernemental pour filtrer internet

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ésident Nicolas Sarkozy annonce la mise en place du Conseil National du Numérique, le 27 avril 2011 à Paris (Photo : Thibault Camus)

[20/06/2011 11:19:44] PARIS (AFP) Un projet de décret gouvernemental autorisant les autorités à filtrer voire bloquer des sites internet sans passer par la justice suscite une levée de boucliers dans la communauté numérique française qui craint une dérive vers l’arbitraire et la censure.

Le texte controversé, qui émane du ministère de l’Economie numérique, doit permettre l’application de l’article 18 de la loi sur la Confiance dans l’économie numérique (LCEN), votée en 2004.

Il prévoit que les autorités administratives puissent de leur propre chef mettre en demeure l’éditeur d’un site, l’hébergeur ou le cas échéant les fournisseurs d’accès internet, de faire cesser toute “activité” comportant à leurs yeux un “risque sérieux et grave d?atteinte à l?ordre public”.

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ée (Photo : Lionel Bonaventure)

Saisi de ce projet le 12 juin, le Conseil national du numérique (CNN) mis en place le mois dernier par l’Elysée a publié lundi un avis négatif estimant que “toute mesure de blocage ne peut intervenir qu?au terme d?un débat contradictoire sous l?appréciation et le contrôle préalable du juge”.

“L?autorité publique ne peut être en mesure d?obtenir le blocage d?un contenu diffusé sur internet que par voie judiciaire”, assène-t-il.

Même son de cloche chez les députées Laure de la Raudière (UMP) et Corinne Erhel (PS) qui, dans un rapport parlementaire sur la neutralité de l?internet et des réseaux remis en avril, demandaient “d’encadrer strictement les obligations de blocage de l’internet” et surtout de prévoir “l?intervention systématique du juge pour prononcer des mesures obligatoires de blocage”.

“Je suis défavorable à toute mesure qui mette en place des obligations de filtrage ou de blocage sur internet sans passer par un juge”, martèle Laure de La Raudière, interrogée par l’AFP.

“Dans la loi il y a plusieurs procédures de blocage et de filtrage, selon les sujets: la LCEN, la loi sur les jeux en ligne, l’article 4 de la LOPPSI. Ce serait intéressant qu’il y ait des démarches unifiées des procédures judiciaires”, les concernant, a-t-elle ajouté.

La députée souhaiterait également “qu’au préalable il y ait une étude faite par les pouvoirs publics, ou une autorité indépendante, du rapport coût/risque des mesures de blocage et de filtrage par rapport aux bénéfices attendus”.

Le Conseil national du numérique enfonce le clou en soulignant que le projet de décret gouvernemental a “vocation à offrir aux autorités administratives des pouvoirs d?injonction à l?encontre de toute +activité de commerce électronique+”.

Or, selon la définition de la LCEN, entrent dans le périmètre du “commerce électronique” tous les acteurs d’internet, soit les moteurs de recherche, les comparateurs de prix, les sites d?information en ligne, les hébergeurs, ainsi que l’ensemble des plates-formes (commerce électronique, vidéos, etc.), rappelle le CNN.

“Le projet de décret vise à donner au gouvernement un pouvoir de censure sur tous les sites et contenus du Net qui serait totalement disproportionné”, fustige de son côté Jérémie Zimmermann, porte-parole de l’association La Quadrature du net, pour qui ce texte “doit à tout prix être rejeté”.

“Il s’agit là d’une violation flagrante du principe de séparation des pouvoirs, portant gravement atteinte à la liberté de communication en ligne”, s’émeut-il, dénonçant “une dérive extrêmement inquiétante, dans la droite ligne des politiques sécuritaires du gouvernement en matière d’Internet”.