Sur tout le continent africain, du Nord au Sud, les médias n’ont pas réussi à
s’imposer sur le marché mondial et à se réconcilier avec les lois de l’économie.
Jean Ping, président de la Commission de l’Union africaine (UA), dit tout ou
presque en guise d’introduction au premier numéro des Cahiers de l’UA
(janvier-juin 2011) consacré à «Une analyse du paysage médiatique africain».
Pour M. Ping, l’Afrique n’est pas encore arrivée «au tournant du 21ème siècle» à
«imposer son regard sur le monde et à faire passer ses messages». Elle est, de
ce fait, «le seul continent à ne pas posséder de grands médias». Comme elle est
le seul continent où les médias n’ont pas une grande «solidité financière» et ne
vivent pas à l’heure d’une «concentration de ses médias» à l’opposé de ce qui se
passe ailleurs sur les autres continents.
Modèle économique fragile
La lecture des seize articles, rédigés pour l’essentiel par des chercheurs,
consultants et journalistes, fins connaisseurs du terrain africain, montre que
la presse africaine, qu’elle soit écrite, audio-visuelle ou encore électronique,
et quelle que soit la région où elle se situe, au Maghreb, dans les pays au sud
du Sahara, dans les pays anglophones de l’Ouest et de l’Est, a pratiquement les
mêmes caractéristiques.
Responsable du programme médias de l’Organisation internationale de la
Francophonie (OIF), Tidiane Dioh souligne qu’«aucun dialecte, aucun idiome,
aucune langue parmi les milliers parlées en Afrique n’a réussi à s’imposer sur
le plan international. Et les médias sont obligés de recourir à l’anglais, au
français, à l’espagnol,… pour toucher le monde dans sa globalité.
Pourtant, une audience est à gagner dans de nombreux pays africains: la langue
swahili est parlée en République Démocratique du Congo, en Tanzanie, en Ouganda,
au Kenya et en Afrique du Sud, et le «hausa» est parlé au Cameroun, au Ghana, en
Centrafrique, au Niger, au Nigeria et en Côte d’Ivoire, affirme, pour sa part,
Seidik Abba, journaliste et chercheur associé à l’Université de Valenciennes, en
France.
Samy Ghorbal, journaliste tunisien, aujourd’hui indépendant (il a longtemps
travaillé à l’hebdomadaire Jeune Afrique), résume en quelques mots les maux de
la presse africaine: «modèle économique fragile, érosion du pouvoir d’achat des
lecteurs, déprime du marché publicitaire, concurrence des nouveaux médias et
gestion hasardeuse».
Le numéro 1 des “Cahiers de l’UA“ est riche d’exemples démontrant cette réalité
qui constitue un handicap de taille au développement des médias sur le
continent, du Nord au Sud. Ainsi en est-il de cet hebdomadaire nigérien dont les
recettes couvrent tout juste la moitié de ses frais d’impression.
L’exiguïté du marché y est pour beaucoup. Elle s’explique par la faiblesse aussi
bien des recettes de la vente des journaux et de la publicité si l’on tient
compte du nombre des médias boostés par la démocratisation et la privatisation
des sociétés africaines.
Mais pas seulement. Le mal n’est-il pas dans l’entreprise médiatique africaine?
Il arrive, en effet, que le capital soit détenu par un seul homme. Avec les
risques encourus: «non respect des règles élémentaires de gestion: existence
d’un Conseil d’administration, cumul des fonctions d’ordination et d’exécution
des dépenses…», soutient Seidik Abba.
Dans le même ordre d’idées, Mactar Silla, expert international en communication,
a mis en exergue, en évoquant le cas de la télévision, une «focalisation
excessive sur le volet culturel et sur la politisation de projets qui perdent
leur caractéristique d’entreprise». En clair, les acteurs du secteur
n’appréhendent pas la télévision comme une entreprise.
Ce qui veut tout dire!