L’aménagement du territoire après la révolution du 14 janvier 2011 semble intéresser, ces temps-ci, plus d’un. Administration et société civile commencent à cogiter là-dessus, encouragées en cela par la disponibilité de financements, généreusement fournis par des bailleurs de fonds fort intéressés par un «remaping» du pays devant favoriser leurs intérêts.
Dans cette première partie, nous ferons l’état des lieux. Et dans la seconde partie, l’universitaire et sociologue, Ridha Boukraa, nous propose un modèle de développement alternatif.
C’est dans cette optique que s’inscrit, entre autres, une étude en cours destinée à «évaluer la politique d’aménagement du territoire en Tunisie». Cette étude, qui sera fin prête d’ici fin 2011, est financée par l’Agence française de développement (AFD) et menée par un bureau d’étude pour le compte du département d’aménagement du territoire relevant du ministère du Transport et de l’Equipement.
L’objectif «déclaré» est d’optimiser la répartition des ressources naturelles et des activités, de désenclaver les zones de l’intérieur et d’identifier les mécanismes de coordination intersectorielle et d’articulation entre le central et le local.
L’enjeu est de taille. Car, tout projet d’aménagement du territoire, fût-il un diagnostic de l’existant, va engager l’avenir du pays et orienter tous les investissements publics et privés. Un tel projet ne peut être adopté, en principe, qu’après son examen par les conseils locaux et régionaux et par un Parlement, réellement représentatifs et librement élus, lesquelles institutions n’existent pas encore.
Une question se pose dès lors. Au nom de quelle légalité, droit et légitimité, l’actuel ministère provisoire du Transport et de l’Equipement se permet d’engager «cette évaluation» laquelle, pour peu qu’elle soit menée par des technocrates thuriféraires du dictateur déchu, risque de reproduire les mêmes inégalités et le déséquilibre régional qui ont provoqué la révolution du 14 janvier.
N’oublions pas qu’au nombre des mécanismes de la dictature mis en place par le président déchu, figurait en bonne place le plan d’aménagement du territoire de 2004.
Exécuté de fait jamais de juré, ce plan, qui n’a jamais été discuté par le Parlement, répartit le territoire tunisien en grands pôles de développement articulés autour des trois plus grandes villes de Tunisie: Tunis la capitale pour le Nord du pays, Sousse pour le Centre et Sfax pour le Sud.
Au nom d’une certaine folie des grandeurs, ces métropoles, qui seront dotées de l’infrastructure lourde en matière de transport, de communication, d’industrie, de services, sont appelées à devenir des méga-pôles censés rivaliser avec des métropoles méditerranéennes comme Marseille, Rome ou Barcelone, et rayonner sur les régions de l’intérieur.
Conséquence: selon ce plan, le reste des villes du pays, dont certaines étaient des capitales de Tunisie, ne peut être qu’au service du littoral ou du corridor d’or.
Ainsi, dans le sillage du Grand Tunis, évolueront des villes stratégiques du nord-est du pays (Bizerte, Nabeul) et du nord- ouest (Jendouba, Le Kef, Siliana, Béja, Zaghouan…). A la périphérie de Sousse, se développeront des villes comme Monastir, Mahdia et Kairouan. Et enfin à la périphérie de Sfax, évolueront les villes de Gabès, Médenine, Djerba, Tozeur, Nefta, Gafsa, Tataouine…
Le résultat d’une telle politique, on le connaît maintenant: la révolte des communautés de l’intérieur démunies contre un littoral nanti.
A suivre Un modèle alternatif de développement est-il possible? …“