Le débat sur la gestion de l’eau ne menace pas la domination du privé

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éry-sur-Oise, appartenant à la Générale des Eaux, filiale de Vivendi Environnement (Photo : Joel Saget)

[21/06/2011 07:07:51] PARIS (AFP) De grandes villes françaises envisagent de revenir à une gestion publique de leur réseau de distribution d’eau potable, mais ces velléités ne devraient pas remettre en cause la domination du marché par les entreprises privées.

Plusieurs décisions récentes sont venues relancer le débat récurrent et vif entre partisans d’une gestion publique de l’eau, qui dénoncent entre autres les prix pratiqués par les entreprises privées, et les professionnels du secteur, qui déplorent une vision politisée du problème.

A Bordeaux par exemple, le président PS de la communauté urbaine Vincent Feltesse s’est prononcé en faveur du retour à une gestion publique de l’eau et un vote doit avoir lieu sur cette question le 8 juillet.

La communauté urbaine de Bordeaux envisage même un passage en régie publique d’ici 2018, avant la fin du contrat la liant à la Lyonnaise des Eaux, théoriquement prévue en 2021, en vertu de l’arrêt Olivet du Conseil d’Etat.

Celui-ci autorise les collectivités à rompre par anticipation et sous certaines conditions les contrats signés avant 1995 pour une durée supérieure à 20 ans.

Sur cette base, Montbéliard a annoncé en juin 2010 son intention de reprendre en régie directe dès 2015 la gestion de son réseau d’eau courante, théoriquement attribuée à Veolia jusqu’en 2022.

A Lyon, la communauté urbaine étudierait la possibilité d’anticiper l’échéance du contrat la liant à Veolia et aurait même lancé un appel d’offres pour trouver un prestataire l’aidant à étudier le prochain mode de gestion de son eau, selon Les Echos de lundi.

De nombreuses collectivités ont également renégocié les contrats de délégation de service public (DSP) les liant à des groupes privés ces dernières années, à l’instar de Lyon en 2008.

“Je subodore qu’il y a quand même peut-être un +effet Paris+”, note Stéphane Saussier, professeur à l’Université Paris I et à l’Institut d’administration des entreprises et spécialiste de la gestion de l’eau.

“Le retour en régie de la ville de Paris et les efforts qui sont faits pour essayer d’entraîner d’autres collectivités font que peut-être les élus, notamment des grandes villes, se disent qu’ils vont être plus surveillés par les citoyens et qu’il va falloir expliquer pourquoi ils ne retournent pas en régie”, avance M. Saussier.

Fin 2008, le maire PS de Paris Bertrand Delanoë avait mis un terme à 25 ans de gestion privée de la distribution de l’eau à Paris en faisant voter sa remunicipalisation, effective depuis début 2010.

“Il y a beaucoup d’effets de manche dans tout ça, qui perturbent la réalité des dossiers”, juge pour sa part Marc Reneaume, président de la Fédération professionnelle des entreprises de l’eau (FP2E).

“Ce qu’il faut garder en tête, c’est que non seulement la réflexion d’une collectivité est logique, mais elle est même légale. Avant de reconduire un contrat de délégation, la loi fait obligation de se poser la question du mode de gestion”, rappelle-t-il. “Ceux qui veulent faire croire qu’il y a un système qui est finissant et un autre qui serait émergent se trompent probablement assez lourdement”, assure-t-il.

La délégation de service public reste très largement majoritaire en France, souligne M. Reneaume. En ce qui concerne la production et la distribution d’eau potable, 72% de la population française est desservie par des services en DSP, une proportion qui tombe à 55-56% pour l’assainissement.

Au coeur de cet énorme marché, trois géants — Veolia (Veolia Eau), Suez Environnement (Lyonnaise des Eaux) et la Saur –, qui se partagent la majorité des contrats, et de petits opérateurs locaux.