Qui suis-je? Quelles sont mes origines? Qui sont mes ancêtres? Ce sont là des
questions que se posent, ces temps-ci, des Tunisiens à la quête de leur identité
ou de leurs identités. Bizarrement, cette question réapparait, en cette période
révolutionnaire, avec des relents de provocation lorsqu’on sait que la
Constitution consacre, depuis l’accès du pays à l’indépendance, l’arabité de la
Tunisie et son islamisme. Et il en sera ainsi probablement avec la prochaine
Constitution.
La société civile s’est mêlée au débat et a sollicité les services d’historiens,
connus pour être des traqueurs de traces, voire des matrices dans lesquelles
auraient été concoctées les gènes des Tunisiens, d’hier et d’aujourd’hui.
La jeune association «Femmes et dignité», qui vient de voir le jour, a été de la
partie et a organisé, il y a quelques jours, une conférence sur le thème: «la
femme dans l’histoire de la Tunisie».
Mme Mounira Chapoulot, universitaire tunisienne, a brossé, durant plus d’une
heure, un portrait de plusieurs femmes célèbres de Tunisie dont trois reines qui
ont marqué l’histoire ancienne du pays.
La première est Phénicienne. Il s’agit de la glorieuse reine Didon (Elyssa) qui
a fondé non seulement une nouvelle ville, en l’occurrence «Carthage», mais
surtout un empire, celui de Carthage et de ses comptoirs commerciaux. Cet empire
a engagé les fameuses guerres puniques avec ses rivaux de Rome et d’Athènes.
Pour les historiens, ces guerres étaient de véritables guerres mondiales à
l’époque.
La deuxième reine est berbère. La fougueuse et indomptable Al-Kahina, «la
Déborah berbère». Symbole de la résistance des Berbères contre les assauts
arabes. Ces derniers, conduits par leur chef de guerre Hassen Ibn Al Nu’man, ont
mis un demi-siècle pour conquérir la Tunisie et vaincre Al Kahina dans la zone
de Tabarka.
La troisième reine est arabe: Jazia El-Hilaliya. Belle bédouine, venue du Najd
en Arabie Saoudite dans le cadre des migrations vers l’ouest des tribus de Banou
Hilal, Salim, Zoghba et Ryadh, cette héroïne, dont la beauté, la sensualité et
la féminité sont légendaires, s’adonnait avec brio à toutes les activités
masculines (chef de tribu, guerrière, cavalière, poétesse…).
Par-delà ces mini-portraits, ces reines étaient de véritables légendes. Elles
ont connu toutes des fins tragiques. Les œuvres artistiques et littéraires qui
leur étaient consacrées en faisaient des mythes.
La question qui devait être posée in fine est: Faut-il pour autant accorder à
ces figures légendaires la légitimité historique d’avoir fondé notre mémoire et
notre identité? Autrement dit, sommes-nous Phéniciens, Berbères ou Arabes ou
tous à la fois? Notre identité ne serait au final qu’un ensemble d’éléments
d’identité. A méditer.
