Facebook : De l’utilité à l’indécence!

C’est une citoyenne qui, il y a quelques jours, criait au micro de
Mosaïque FM:
«SVP! arrêtez cette hémorragie d’insolences sur
Facebook! Vous devez savoir que
nos enfants lisent tout ce qui s’y écrit». Et il est en effet fort temps d’en
parler.

Le réseau social Facebook est en principe une merveille dans la mesure où il
permet aux uns et aux autres d’entrer en contact, d’échanger des infos ou autres
(comme les vidéos) et de discuter de maints sujets. Forum de connaissances et de
débats, pour faire court. Première révélation: l’engouement qu’a connu ce réseau
est tel que beaucoup se sont montrés assoiffés d’exprimer des opinions, des
idées, ou tout simplement de discuter. C’est un grand avantage qui a fait que ce
n’est plus seulement le journaliste qui a cette ‘‘chance’’ de pouvoir écrire
pour le grand public, mais une aubaine offerte à tout le monde.

Deuxième révélation (et ça, il faudrait le dire en toute franchise, sans fausse
humilité): la majorité écrasante de ceux et celles qui s’expriment sur la toile
ne connaissent rien –absolument rien– de la langue, ni l’arabe ni, encore moins,
le français. C’est du n’importe quoi exprimé avec des chiffres en remplacement
de lettres arabes. Les 3 et 7 expriment, semble-t-il, les lettres h ou q, par
exemple. On s’est donc installé dans un langage hybride, bâtard, stupide. Par
conséquent, les usagers de la toile n’ont pas trouvé mieux que d’étaler au grand
jour et au vu de tout le monde leur misère linguistique et leur ignorance.

Evidemment, l’on n’a pas le droit de dénier à quelqu’un le droit de s’exprimer
au motif qu’il ignore la langue dans laquelle il veut s’exprimer. S’exprimer est
pour l’homme un droit légitime, quel que soit le niveau de son parler. Se
montrer poli et respectueux tout en ayant un langage par trop populaire est sans
gravité. Il n’est pas demandé à tout le monde d’être des Camus et des Sartre.
Mais ne pas se montrer poli envers sa société, voilà qui ne va pas.

Troisième révélation, donc: beaucoup ont vite déversé sur la toile un tas
d’obscénités, sans parler des invectives, des injures et des insolences de
toutes couleurs. Il y a environ cinq mois, quelqu’un a poussé la grossièreté
jusqu’à proposer sur la toile une vidéo… pornographique de plusieurs minutes.
Pas l’ombre de respect pour ses propres enfants, pour sa femme, pour sa famille,
pour la société entière. Rien. Certains usagers de Facebook ont fait de cette
toile le miroir vil et abject des bas-fonds. Et ça les amuse beaucoup,
semble-t-il.

Et dire qu’il y a six mois, on jubilait à l’idée que grâce à Facebook, des
centaines de jeunes ont contribué au renversement du régime déchu. C’était ça,
en effet, le grand mérite de la toile: s’inviter à s’unir contre le mal et
l’injustice. Mais il faudrait se dire que même pour une cause juste, il importe
de garder un minimum de politesse, de respect de l’autre. Quel plaisir y a-t-il
à donner de la société tunisienne l’image d’une société triviale, toute basse?
D’ailleurs, il y a un signe qui ne trompe pas: de nombreux Tunisiens de grand
niveau intellectuel, ayant un compte sur la toile, n’ont jamais écrit un seul
mot. Jamais! C’est parce que (tant pis si cela vexe certains) ils ne veulent pas
entrer en contact direct avec des gens incultes et mal éduqués.

Résultat: le réseau Facebook est devenu réservé aux bas-fonds. C’est malheureux
de le dire, mais c’est le propre de beaucoup de Tunisiens qui ne trouvent pas
mieux que de bousiller tout don qui leur est offert.