Une salle de retaurant vide (Photo : Pierre Verdy) |
[28/06/2011 14:29:19] PARIS (AFP) Ce qui coûte le plus cher au restaurant ? Le vin, répond le client. Non, les chaises vides, assurent en choeur les professionnels. Et pour remplir leurs salles les soirs de semaine, certains n’hésitent pas à casser les prix. Du “yield management”, dit-on en marketing.
Les tarifs réduits et autres promotions pour faire venir les clients aux heures les plus creuses, la pratique est courante dans tous les secteurs du tourisme, comme les transports ou l’hôtellerie, mais elle s’invite désormais au restaurant.
Là, l’essentiel des coûts ne dépend pas du nombre de clients, mais sont les charges fixes (30%) et les frais de personnel (30%). Les matières premières représentent 30%, et les 10% restants constituent la marge. D’où l’intérêt de faire jouer ses tarifs pour optimiser le taux de remplissage.
Ainsi, depuis mai 2008, le dimanche soir chez Léon de Bruxelles, outre les frites, les moules en cocote sont “à volonté”. De quoi doper de “près de 40%” la fréquentation de ce service souvent atone, assure Michel Morin, président du directoire.
Et internet permet une version très élaborée de ces “happy hours”.
Site de réservation, lafourchette.com référence 3.000 restaurants adhérents. Si un établissement sur cinq propose des promotions, le plus souvent en semaine, ces petits prix représentent une réservation sur deux, selon Bertrand Jelensperger, cofondateur du site.
Il “ne promet pas au restaurateur des clients fidèles mais de remplir ponctuellement l’établissement”.
Gérant de “Aux deux oliviers” à Paris, Julien Grissault réduit de 30 ou 40% le prix de la formule du jour, sauf le samedi soir, pour “faire connaître le restaurant mais aussi d’aider à le remplir à 100%”.
Le restaurateur détermine lui même le taux et les conditions de remise et surtout le nombre de tables qu’il ouvre à ces réservations.
à leur travail dans un restaurant (Photo : Fred Dufour) |
Ces tarifs “attirent même la clientèle d’affaires”, assure David Bève, patron de N’autre Bistrot à Lille, qui “veut un bistrot plein, même avec des tables en promo, pour que le personnel serve à quelque chose”.
A son tour, Restopolitan.com lance une carte qui permet d’obtenir un repas offert pour chaque réservation de deux personnes minimum dans 350 établissements.
“On trouve plus positif d’offrir un repas plutôt qu’une réduction de prix, qui peut dévaloriser l’image du restaurant”, explique Stéphanie Pelaprat, présidente du site.
Là encore le restaurateur est assez libre du nombre de clients qu’il accepte, et suivant le même principe que les billets Prem’s de la SNCF, il est plus facile d’y trouver une table en semaine qu’un samedi soir.
Pour Nicolas Nouchi, du cabinet spécialisé CHD Expert, un tiers des restaurants pratiquent des remises, des ristournes, et un sur cinq envisage de s’y mettre. “On n’en est qu’aux balbutiements. Le phénomène va exploser”, prédit-il.
Lafourchette.com vient de lever 3,3 millions d’euros pour étendre son activité en France, en “passer de 250.000 couverts par mois à 2 millions dans les 4 ans”, et la développer en Europe.
Mais déjà “certains clients ne consomment plus qu’avec réductions”, reconnaît un patron de restaurants qui préfère rester anonyme. “Il y a une partie de ma clientèle dont je ne souhaite pas qu’elle sache qu’on est sur lafourchette”, explique-t-il. Autrement dit : il n’est pas toujours simple de faire se côtoyer des tables à des tarifs différents.
Aux Etats-Unis où le phénomène est plus ancien, une étude montre que l’important est que le client qui paie plus cher comprenne les contraintes auxquelles il a échappé: réserver à l’avance, être limité à un type de menu, ne venir qu’en semaine ou qu’au deuxième service…