La salle de cinéma l’AfricArt a donc été agressée –espace, gérants et spectateurs confondus– dimanche dernier par un groupe de barbus se réclamant du mouvement salafiste, mobilisé contre un film jugé arbitrairement antireligieux.
L’incident de dimanche dernier n’est ni bénin, ni très grave, il est plutôt riche de données…révoltantes. Nous nous emploierons, ici, à apprécier les choses en nous basant sur le constat pur et simple.
Un: si l’on excepte la tragédie de Bab Souika (1991, en réaction contre l’incarcération de quelques islamistes), il n’y a jamais eu de tels agissements obscurantistes dans notre pays; durant les vingt-trois ans de règne du président déchu, tous ceux qui se réclamaient de quelque mouvement religieux s’étaient emmurés dans un silence total. De l’extérieur comme de l’intérieur du pays, ils n’ont jamais rien fait, ni pour ni contre le pouvoir en place. Si fondamentalistes et orthodoxes farouches qu’ils tentent aujourd’hui de nous le faire croire, ils sont restés deux décennies durant bouche cousue, incapables de bouger le moindre petit doigt.
Deux: la Tunisie –il faut qu’ils le sachent!– ne leur doit rien. Rien! Ce ne sont pas eux, les barbus, qui ont fait la Révolution; s’ils commencent à s’agiter aujourd’hui, c’est parce qu’ils ont trouvé un terrain favorable où l’Etat, avec tous ses appareils, n’est pas encore mis en place. C’est comme un enfant qui, en l’absence de ses parents, tente de faire la leçon à son petit frère. Une leçon stupide, s’il faut préciser.
Trois: il semble que les Salafistes aient demandé un visa (pour leur parti) qu’ils se seraient vu refuser. Et alors, ils se rabattent, avec des bâtons, sur le petit peuple aux mains nues pour se venger. C’est la petitesse d’esprit poussée à son extrême.
Quatre: on voudrait bien qu’un jour tous ces barbus nous donnent une leçon sur la religion musulmane (sans violence, évidemment), car il y a fort à parier qu’ils ne connaissent rien de notre religion. Mme Olfa Youssef a demandé publiquement un jour sur un des quotidiens de Tunis un débat en direct à la télé pour discuter de certains thèmes liés à la religion: pas un seul de tous ces barbus n’a eu le courage de répondre à son appel. C’est tout dire.
Cinq: les agresseurs du cinéma AfricArt (et probablement d’autres encore) ne lisent pas, ne regardent pas, ne cherchent pas à apprécier les choses de près: ils agissent avec violence sans même vérifier s’ils sont dans le vrai ou le faux. Le film de Nadia Féni, qui a été la cause de cet incident, n’a rien d’antireligieux.
Six: à supposer que les artistes tunisiens soient des koffar, qui sont, eux les prétendus avocats de la religion, pour faire justice sur terre?!…. Dans la Sourate Al Ghachia, versets 21 et 22, s’adressant au Prophète Mouhammed –que le Salut et la Prière soient sur lui– Allah dit : «Rappelle! (tu es là pour) rappeler! (mais) tu n’es pas (là pour) t’imposer».
Que nos lecteurs nous excusent pour cette traduction si elle est imparfaite, mais il était nécessaire de…rappeler, justement, ces versets, tant le texte coranique nous apprend la tolérance, non la violence et l’ignorance.
Sept: et malgré tout, l’incident de dimanche dernier est une très bonne chose. Nous savons au moins comment serait le pouvoir en Tunisie si jamais les barbus devaient remporter les élections. C’est le bâton qui nous attend!