Le président du mouvement islamiste Ennahdha, Cheikh Rached Ghannouchi, dont la plupart des interventions publiques tournent à la hargne, à la rogne et à la grogne, vient d’annoncer, dans une conférence de presse organisée le 27 juin 2011, à Tunis, le retrait définitif de son parti de la Haute Instance pour la Réalisation des Objectifs de la Révolution, la Réforme Politique et la Transition Démocratique en raison de la partialité flagrante, dit-il, de son président Iyadh Ben Achour, accusé par ailleurs d’arrogance, de vanité et de mauvaise volonté, de la représentativité douteuse de plusieurs personnalités, du déficit, de plus en plus palpable, de la notion du consensus, de l’absence totale du compromis durant les deux derniers mois et de la tendance hégémonique de certaines parties, désireuses, au sein de la Haute Instance, d’imposer leur propre agenda, d’en découdre avec les islamistes, de savonner l’espace public, de créer une atmosphère délétère, de semer la zizanie, de jouer un jeu de dupes, d’hystériser la scène politique et de se transformer, avant le verdict des urnes, en puissance législative, confisquant ainsi les prérogatives de la prochaine Constituante.
«Depuis la formation de la Haute Instance, nous avons présenté des concessions, accepté des règles de jeu qui nous étaient défavorables, entériné des rapports de négociation expéditifs et agi dans un esprit de concorde et de concertation afin de déblayer le terrain devant la transition démocratique, de capitaliser la révolution de la dignité et de la liberté et de favoriser au plus vite le retour à des institutions représentatives de la volonté collective des tunisiens», a déclaré d’emblée Rached Ghannouchi dont les propos reflétaient la radicalisation évidente de son mouvement face aux nouvelles donnes, l’ancrage, dans la scène locale, du jeu politique de la coopération et du conflit autour de la définition du calendrier précédant les prochaines échéances électorales, la mise à jour de nouveaux rapports de forces dans le pays, la construction de nouvelles alliances sur les sujets les plus divers et l’avènement futur d’une lutte farouche, mais lente et précautionneuse. Pour le contrôle de l’espace public.
De son côté, Maître Samir Dilou, membre du bureau exécutif du mouvement Ennahdha, a appelé la Haute Instance à se mobiliser pour la réussite du processus électoral menant à la Constituante, à demander des comptes, d’une manière périodique, à Kamel Jendoubi, président de l’Instance Supérieure Indépendante pour les Elections, dont le rythme de travail, dit-il, n’a pas encore atteint la vitesse de croisière et à faire du respect de la date du 23 octobre 2011, objet d’un consensus national entre tous les partis politiques du pays, le principal menu de tout ordre du jour de la présidence de la Haute Instance. Afin d’éviter au pays, insiste notre interlocuteur, de sortir groggy de la période transitoire, de garder le cap, de se mettre d’accord pour équilibrer les compromis, de sortir du champ partisan, de prendre de la hauteur, de retrouver de la profondeur stratégique et de réfléchir aux vrais enjeux, liés à la veine de la colère et du défi de la révolution du Jasmin.
A la fin de la conférence de presse, l’assistance a relevé chez les dirigeants du mouvement islamiste Ennahdha une volonté de se démarquer de la faune politique, une détermination à se singulariser et une résolution à se servir de tous les leviers possibles pour obliger l’ensemble des protagonistes à abattre leurs cartes, esquiver les coups du camp moderniste, porter en bandoulière la noble bannière du consensus, ajuster la manœuvre partisane à la réalité politique et sociale du moment et mettre le pied à l’étrier face aux difficultés de toute nature.
Finalement, d’après certains observateurs, ce changement de pied des nahdhaouis annonce la fin d’un jeu de leurre, dont le point d’orgue était la constitution du front du 18 octobre 2005 (association contre nature entre le POCT, le PDP, Ennahdha…) qui a certes permis la déconfiture de l’ordre du 7 novembre, mais mis en selle aussi la nébuleuse islamiste, aujourd’hui maîtresse de l’Agora, plus sentencieuse que jamais. Les derniers incidents du cinéma Africa le prouvent. Eh oui!, il est bien connu que ce ne sont pas les girouettes qui tournent, mais le vent.