«Le printemps arabe » doit beaucoup au net. Les pays arabes qui ont vécu révolutions et soulèvements depuis début 2011 doivent également cette appellation, au « Printemps des peuples ou le printemps des Révolutions » qui date de 1848 et année durant laquelle l’Europe a vécu une éclosion de révolutions. Souvent réprimées, ces révolutions ont tout de même eu des impacts importants.
Révolutions spontanées, improvisées, organisées ou programmées ? Cela faisait des mois que les sites électroniques injectaient des informations sur la famille présidentielle de la Tunisie et ses pratiques. Des journaux censurés en Tunisie et que nous consultions en catimini grâce aux proxys, étaient garnis d’informations, plus sensationnelles les unes que les autres. Même le Palais n’arrivait pas à conserver ses secrets d’alcôve. Le site Wikilieaks, pour sa part, distillait savamment des renseignements sensés être « ultraconfidentielles » et top secret, nous donnant un aperçu sur la position réprobatrice des States envers le régime Ben Ali.
Anonymous, un groupe de jeunes hackers, des individus non-identifiés, a été également de la partie. Et à partir du 2 janvier 2011, ils ont lancé un combat sans merci contre « Ammar 404 », censeur vedette en Tunisie. Les attaques ont touché des sites gouvernementaux et officiels y compris ceux de ministères qui ont été inaccessibles pendant quelques jours. Etrange, où était Anonymous lors des événements de Redaief ? Où est Wikileaks aujourd’hui ?
Toutes ces séquences vidéo qu’on a vu depuis décembre 2010 et qui ont inondé la toile, on commencé à n’ont pas continué avec un flux aussi fort…
Y aurait-il eu des mains pour tirer les ficelles, entretenir la flamme, mener la révolution à terme en y insufflant rumeurs, intox, snipers pour qu’elle atteigne le point du non retour ? Ali Sériati et la garde présidentielle auraient-ils joué un rôle dans le départ forcé de Ben Ali ? Ridha Grira, ancien ministre de la Défense, a-t-il réellement évité au pays un bain de sang ou l’armée nationale a-t-elle voulu préserver le pays en jouant le rôle discret et efficace du protecteur ?
Les réponses sont multiples et les explications encore plus nombreuses. Ce qui est toutefois indiscutable est que tous les mouvements de révoltes dans les pays arabes sont l’expression d’un raz le bol général dû à la répression de régimes, totalitaires, dictatoriaux et de leur corruption systémique.
Que s’est-il réellement passé à Tunis en ce vendredi 14 janvier?
Cela fait 6 mois que l’on se pose des questions sur les événements qui ont mené en cette journée du 14 au chamboulement du destin de la Tunisie. Des réponses ont été apportées par les réseaux sociaux, des personnes témoins ont voulu donner leur version des faits mais nous n’arrivons pas à ce jour à définir clairement et dans le détail les faits et gestes qui ont mené à cette révolution depuis la mort de Bouazizi.
Un retour en arrière dans la sérénité nous permettrait peut être de voir les choses autrement. Nous commencerons par la fin.
Que s’est-il passé à l’Avenue Habib Bourguiba ?
Un officier en poste, ce jour là au ministère témoigne : « Cela faisait des jours que la place Mohamed Ali située en face de l’UGTT était gardée au niveau de ses deux sorties. Les manifestants venaient, se rassemblaient, scandaient des slogans et repartaient car ils ne pouvaient accéder à la grande Avenue.
La main de Dieu était sur Tunis
En ce vendredi 14 janvier, on devait procéder dès 6h30 du matin au rassemblement des différentes unités de police qui comprenaient près de 500 agents. Comme de routine, il fallait s’organiser pour assurer le maintien de l’ordre au niveau des grandes artères et des points chauds de la capitale. En ce jour béni, du 14, aucun agent de police ne s’est pointé à l’heure du rassemblement. Le centre ville était abandonné à lui-même.
Toutes les tentatives de joindre nos supérieurs ont échoué, parmi eux, il y en a qui étaient « indisposés » pour « raisons médicales», d’autres n’étaient pas joignables au téléphone. En désespoir de cause, nous nous sommes rabattus sur les équipes de retour de Sidi Bouzid où ils avaient été envoyés en renforts. Ils étaient épuisés, mais nous n’avions pas le choix. Il fallait protéger le ministère de l’Intérieur, un ministère de souveraineté qui ne devait pas tomber au risque de mener à la ruine du pays et faire barrage aux bandes armée et aux actes de vandalisme commis par des bandes organisées qui se dissimulaient derrière des manifestants ».
Il était à peine 11h30 que les policiers s’étaient mis en rangées devant le ministère de l’Intérieur. Ils étaient à peine une centaine. Une consœur journaliste a, a ce propos, affirmé que les policiers protégés par leurs visières qui s’étaient mis devant le ministère de l’Intérieur paraissaient fatigués. D’autres sources, prétendent que les agents de police qui ne s’étaient pas rendus à leurs postes en cette journée auraient reçu des instructions leur conseillant de surveiller leurs familles et leur voisinage. De qui avaient-ils reçu les instructions ? Aucune réponse.
Les manifestants débarquant de l’avenue Mohamed Ali, rejoints par d’autres de Bab Bnet et de toutes les cités de la capitale arrivaient par milliers. A 14h, ils étaient 25 000, à 16h, ils étaient 40 000.
« La main de Dieu était sur la Tunisie car s’il n y avait pas eu le cordon de policiers, les unités spéciales en place à l’intérieur du ministère auraient tiré sur la foule. A 16 h, les forces de sécurité ont commencé à jeter des bombes de gaz lacrymogène pour disperser la foule et à contre-attaquer.
A propos de la scène vue à Al Djazira et dans laquelle, on voyait des policiers s’acharner sur des manifestants, l’officier explique : « C’était des actes individuels d’agents de police enragés parce qu’entre autres, on leur a jeté dessus, des bouteilles remplis d’urine… »
Dans l’intervalle et tout au long de la matinée du 14, l’ancien Président était en poste à Carthage. La famille Trabelsi s’était déjà rendue à l’aéroport Tunis-Carthage, paniquée puisque depuis le 13 janvier, on a procédé systématiquement à la mise en feu de leurs maisons. La BAT (Brigade antiterroriste) du ministère de l’Intérieur, s’est déplacée à l’aéroport pour, dans un premier temps, assurer la protection de la famille ou pour l’arrêter ? (Ben Ali était encore Président, ne l’oublions pas). Rejoints par l’USGN (Unités de sécurité de la Garde nationale, commandos de la Garde), armées jusqu’aux dents de la Garde nationale, elles ont procédé à l’arrestation de tous ceux qui se trouvaient à l’aéroport.
Avant que l’armée nationale ne procède à la mise aux arrêts du Général Ali Sériati vers 17h.
Les radars auraient détecté tout au long de la cote deux frégates de l’armée en cette même journée.
Un jour avant, le 13 janvier, l’Aéroport Tunis Carthage a été vidé des forces de sécurité alors que le pays était à feu et à sang. L’aéroport était sans aucune défense devant des attaques hypothétiques, aux alentours, il n y avait ni policiers ni soldats.
Bien avant, certains postes de police ont été attaqués, pillés et des armes ont été prises…