Les patrons ont parfois de l’humeur, ce qui rend leurs messages incisifs. Mais tellement utiles. C’est l’avantage du pragmatisme.
C’était un échange comme on les entretient régulièrement avec les chefs d’entreprise. Mon interlocuteur de ce jour est «diversifié» et il est bien présent dans le hi-fi et l’électroménager. Il a une solide expérience. Et sa réussite est bien réelle. Ses partenaires coréens lui confient un taux d’intégration qu’ils ont refusé à des partenaires européens. C’est vous dire que notre ami, tout en étant sur un nuage, a les pieds sur terre. Et, les quatre fers au feu. Pour bien comprendre la pertinence des échanges avec les chefs d’entreprise, il faut garder à l’esprit qu’ils sont aux «affaires». C’est-à-dire au four et au moulin. Et, de profession, ils vont au charbon. Alors, même s’ils ne font pas dans la dentelle, dans leurs commentaires, leurs jugements étant par nécessité à l’emporte pièces, ils restent dans le quantifiable. Dans le concret.
A propos de l’intégration régionale
J’aborde le sujet brulant du moment, l’intégration régionale. Mon propos est simple. D’aucuns cherchent à prendre exemple sur la Corée ou le Japon ou Singapour quand l’Italie est l’exemple à suivre. De tous les pays du pourtour méditerranéen, l’Italie a poussé à l’extrême le développement des régions, dans l’autonomie, au point d’affecter la cohésion nationale du pays à mon goût. Et puis, en matière de mobilité à l’international, comme le rappelle souvent Faouzi Elloumi, fin observateur de la mondialisation, les entreprises italiennes ont apporté la preuve que la PME peut très bien se redéployer et devenir une entreprise globale sans avoir le standing d’une multinationale. Elles ont la juste masse critique exigée par leur profession.
Tempérant mon ardeur, mon interlocuteur me fait remarquer que le modèle économique italien est lui-même en perte de vitesse. Et il me parlait de la prospérité perdue de Modène, capitale des machines à laver, dans la péninsule. Aujourd’hui, me dit-il, Modène est une ville sinistrée. Elle n’est plus que le fantôme d’elle-même. Elle a subi le même sort que Detroit ou Billancourt. Toute la production a été transférée en Turquie, selon mon interlocuteur et en… Asie. Le typhon chinois l’a laminée.
Je fais remarquer que les Italiens sont de sacrés travailleurs. Et je m’étonne qu’ils se soient endormis, cédant du terrain sur la productivité. Mais, me fait remarquer mon interlocuteur, le recul de productivité cumulé aux coups de butoir du dollar, auquel le yuan est lié par Peg, ont mis Modène dans un double effet de ciseaux, négatif.
Le «flop» supposé des programmes nationaux de qualité
Je regrette que la délocalisation ait ignoré la Tunisie, et j’observais que c’était inamical de la part de nos voisins. Mais, me fait-il remarquer, encore une fois, que les standards industriels tunisiens n’étaient pas à la hauteur. Dans un accès d’humeur, il ajoute qu’ils auraient été bien embarrassés de trouver un fabriquant de carton de niveau international ou même une usine de polystyrène aux exigences du marché. J’étais sonné, alors je cite un nom de cartonnerie qui a été reprise par un Groupe de nos fleurons nationaux. Il n’en démord pas. Celle-là aussi est en retrait par rapport aux standards requis. Intérieurement, j’étais déstabilisé. A quoi donc auraient servi les programmes nationaux de mise à niveau, de PMI, de Fonapro? “A leur faire garder la tête hors de l’eau“, me répond imperturbablement mon interlocuteur. Ils ne sont pas encore dans cette course à l’excellence. Il y a urgence pour un audit, en la matière.