C’est à un remake des disputes des années 70 et 80 au sein de l’université tunisienne que nous assistons, peut-être, aujourd’hui. Le paysage politique, ou du moins une partie de ce dernier, est composé des mêmes acteurs qui avancent souvent avec les mêmes dogmes.
L’histoire est un éternel recommencement. Cette expression qui souligne que «le devenir des sociétés humaines désigne un retour perpétuel des mêmes événements ou des mêmes problèmes» s’applique-t-elle à la réalité de la Tunisie d’aujourd’hui?
Le spectacle qu’offre le paysage politique tunisien, ou du moins une partie de ce dernier, permet de croire à un remake des années 70 et 80 lorsque les mêmes acteurs se querellaient au sein de l’université tunisienne.
Comme autrefois, ces mouvements et leurs leaders tiennent aux idées et dogmes d’antan et font valoir que chacun a raison. C’est le spectacle qu’offre aujourd’hui, aux yeux de beaucoup d’observateurs, la Haute instance pour la réalisation des objectifs de la révolution, de la réforme politique et de la transition démocratique.
Prisonniers des mêmes modèles théoriques d’antan
Ils continuent à se chamailler sur des questions qui, si elles semblent être d’ordre procédural, montrent bien que chacun défend bec et ongles un modèle de société et qu’il ne veut nullement lâcher du lest.
Certes c’est de bonne guerre, chacun ne peut qu’avancer avec un modèle de société dans la tête et un programme de société. Mais le problème est ailleurs: nombre d’acteurs politiques ne semblent pas avoir mûri.
Quelqu’un a dit, à ce juste propos, qu’«ils ne semblent pas être descendus de la roche de Socrate», du nom d’une roche sur laquelle se tenaient les tribuns des différents mouvements en présence à l’Université (au Campus universitaire) pour haranguer la foule des étudiants le jour des AG (Assemblées Générales).
Pour de nombreux analystes, beaucoup n’ont pas, malgré les apparences, non seulement pas mûri, mais n’ont pas remis en cause leurs idées sur tel ou tel aspect de la vie sociétale. En clair: ils sont restés prisonniers des modèles idéologiques théoriques qu’ils ont adoptés à 15 ou 20 ans.
Ceux qui les fréquentent affirment que leur langage n’a pas changé d’un iota, ressassant en permanence un discours largement dépassé par le temps.
Comment croire autrement le zèle avec lequel continuent à défendre certains les idéaux marxistes en affirmant, haut et fort, que c’est Lénine qui a perverti le marxisme qui tient, pour ainsi dire, encore la route? Et que, donc, le salut est dans un retour à un marxisme originel.
On a beau, à ce propos, leur dire que le marxisme n’a réussi nulle part et qu’il a étouffé les libertés, qu’il est impossible d’imposer «la dictature du prolétariat», que les dogmes du communisme n’ont jamais permis de créer une économie saine et performante, ils ne l’entendent jamais de cette oreille.
Certains responsables de partis ou mouvements politiques de gauche, pour ne citer que ces derniers, n’auraient d’autre modèle économique capitaliste dans la tête, qu’ils combattent du reste, et auquel ils font constamment référence, que celui de la division scientifique du travail inventée par Taylor à la fin du XIXème siècle.
Alors que bien des eaux ont coulé sous le pont du capitalisme. Dont celles qui ont coulé sous les ponts d’un capitalisme financier ravageur avec ses monuments que sont le Fonds monétaire international et autres Banque mondiale lesquels imposent leurs lois à tous, y compris à eux-mêmes s’ils arrivent un jour au pouvoir.
Un égo gros comme ça!
Il s’agit de l’art, mais il y a aussi la manière: ceux qui s’opposent aujourd’hui disent en public qu’ils sont démocrates et qu’ils agissent dans le respect mutuel. Mais il suffit de gratter, en privé, le vernis pour se rendre compte que ce n’est pas toujours le cas. Chacun a bien des reproches à faire aux autres. Avec pour règle de conduite de toujours croire, avec un égo gros comme ça, que l’on est le seul à sortir de la cuisse de Jupiter.
Force est, toutefois, de remarquer que la politique engagée depuis l’indépendance du pays est pour beaucoup responsable de cet état de fait qui s’exprime par une absence de prise sur le réel.
Les militants de gauche comme de droite ont été non seulement pourchassés, emprisonnés et torturés, mais ils ont été éloignés de toutes les sphères de la vie publique.
Leur droit au débat et à la participation à la gestion de la chose publique leur a été carrément volé. Rien d’étonnant, dans ces conditions, que chez certains d’entre eux soit née une frustration légitime qui s’exprime quelquefois par une colère démesurée et une quasi soif de revanche. Rien d’étonnant aussi que les crimes perpétrés contre eux les aient poussés plus que jamais à ne plus négocier la moindre rupture avec les modèles auxquels ils croient.