Malgré les difficultés, rencontrées notamment avec le promoteur de Radio Kalima, l’Instance présidée par Kamel Laabidi a pu sortir une première liste de radios FM qui vont recevoir la licence de diffusion.
«Vous ne pouvez pas imaginez les conditions dans lesquelles nous travaillons. Les membres de l’Instance sont parfois obligés de payer leurs frais de déplacement de leur poche». Lancée en fin de conférence, mercredi 29 juin 2011, par Néji Baghouli, président du Syndicat national des journalistes tunisiens (SNJT), cet aveu en dit long sur les conditions dans lesquelles travaille l’Instance pour la Réforme de l’Information et de la Communication (INRIC).
Pourtant, quatre mois après sa création, début mars 2011, cette instance a réussi à publier la première liste de radios FM agréées qu’elle a recommandées au gouvernement d’autoriser. Et d’autant plus un tour de force que l’INRIC a d’abord du… apprendre le métier d’autorité de l’audiovisuel sur le tas.
A elle seule, l’acquisition de ce savoir-faire a nécessité près de deux mois durant lesquels ont été organisés plusieurs séminaires et ateliers. Durant le premier, tenu le 12 mars 2011, l’Office national de télédiffusion (ONT) a présenté le réseau de diffusion audiovisuelle tunisien et mis en exergue notamment la pénurie de fréquences FM dans le pays. Le second (9-10 avril) a réuni, l’ONT et le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) et portait justement sur «les garanties constitutionnelles et légales de la liberté d’expression et le cadre juridique régissant le secteur de l’audiovisuel»; un thème également traité par un atelier de travail en date du 23 avril, ayant réuni des demandeurs de licences, et des représentants de l’ONT et du CSA belge- et présenté des solutions techniques pour augmenter le spectre tunisien de fréquences.
Une troisième rencontre s’est tenue le 13 avril avec une délégation du Réseau international pour la liberté d’expression (IFEX) qui a traité du cadre, de l’organisation, et des attributions d’une instance de régulation, de la mise en place d’un «système équitable, objectif et transparent pour l’octroi des licences de diffusion aux radios et télévisions» et de l’élaboration d’un cahier des charges. L’expérience française dans ce domaine a été au centre d’une réunion le 14 avril avec une délégation du CSA.
Enfin, un autre atelier a été organisé avec l’IFEX et l’Association mondiale de radiodiffuseurs communautaires (AMARC) pour familiariser les demandeurs de licences avec les procédures de création de radios communautaires et associatives.
Le 10 mai, on est entré dans le vif du sujet avec la publication d’un communiqué dans lequel l’INRIC énonce les critères d’octroi des licences pour la création de radios FM (respect de l’intérêt général, renforcement du pluralisme du paysage audiovisuel, indépendance à l’égard du pouvoir exécutif et des organisations politiques et religieuses, non-participation étrangère au capital de l’entreprise et à son conseil d’administration, emploi d’une équipe rédactionnelle professionnelle, plan de financement et de gestion, contribution au développement de la culture tunisienne et à la promotion du pluralisme et de la diversité, contribution à la protection de la société contre le monopole médiatique, et absence de cumul de la propriété d’une entreprise de publicité/communication et une entreprise médiatique).
Soixante-quatorze demandes de licences parviennent à l’INRIC. Malgré un appel, le 18 avril, aux demandeurs à compléter leurs dossiers, la plupart d’entre eux sont incomplets.
Finalement, les deux commissions –d’audition et d’évaluation- se réunissent entre le 26 et le 30 mai. Décision est prise de recommander –au gouvernement- d’attribuer 12 licences de diffusion dont la part du lion est allée «aux gouvernorats marginalisés que la révolution est venue réhabiliter».
Dans son rapport, l’INRIC recommande au gouvernement de prendre une série de dispositions visant notamment à «bétonner» le processus d’octroi des licences (vérification par les autorités administratives compétentes des informations relatives à l’aspect financier avancées par les candidats), à aider les nouvelles radios à bien s’acquitter de leur tâche (fonds d’appui à créer avec une partie des recettes publicitaires des radios privées, baisse du coût de diffusion), évaluer l’étendue du spectre national des fréquences FM.
Accorder ces 12 premières licences est loin d’avoir été un exercice de tout repos pour l’INRIC qui n’a pas trop mal tiré son épingle du jeu. L’opération a été compliquée, notamment par les agissements du promoteur de radio Kalima. «Fort», selon un communiqué de cet organisme, «d’une soi-disant promesse du Premier ministre de lui octroyer une fréquence dans quelques jours», Omar Mestiri, puisque c’est de lui qu’il s’agit, «n’a pas jugé utile de présenter, comme les autres candidats, un dossier spécifiant le type de radio qu’il compte lancer, ni son business-plan, ni une étude technique, ni une grille des programmes, ni la composition du management et de l’équipe éditoriale».
Estimant «peut-être qu’il était au dessus de la mêlée et qu’il pouvait se passer de tout examen, comme jadis les proches de Ben Ali (…) pour obtenir des fréquences FM, un bien public précieux et, qui plus est, très rares en Tunisie», le promoteur de radio Kalima a, au lieu de se conformer à la procédure arrêtée, envoyé à l’INRIC un projet de convention avec le gouvernement. Finalement, tout est rentré dans l’ordre et Radio Kalima va obtenir sa licence.