Jean Ziegler, penseur suisse et membre du Comité consultatif du Conseil des droits de l’homme des Nations unies, a recommandé à la Tunisie quatre priorités majeures pour mener à terme une politique sociale viable en cette période d’instabilité générée par la révolution du 14 janvier 2011. Invité à participer, à Tunis (16-17 juin 2011), à une conférence sur le thème: «quelle politique sociale pour un pays en transition démocratique? Cas de la Tunisie», M. Ziegler a proposé aux Tunisiens une stratégie en cinq points.
Le premier consiste à s’attaquer, selon lui, aux inégalités régionales, voire au déséquilibre régional qui a été une cause déterminante du déclenchement de «la révolution du Jasmin». M. Ziegler affine sa pensée et suggère de s’attaquer au niveau d’une même région à ce qu’il appelle «le déséquilibre zonal». Les chefs lieux des gouvernorats auraient accaparé et vampirisé, du temps du président déchu, l’essentiel des crédits publics destinés pourtant à l’ensemble des délégations des régions de l’intérieur.
Idem pour les inégalités urbaines dans les grandes villes. Le penseur suisse recommande de s’attaquer aux essaims de pauvres qui vivotent à la périphérie des quartiers standing des grandes villes.
Le deuxième point porte sur la lutte contre le chômage. La recette de M. Ziegler prévoit la création d’emplois accompagnée d’une formation professionnelle adéquate. A court terme, il propose l’ouverture de chantiers d’utilité publique pour contenir l’ire des sans-emploi de longue durée.
Le troisième volet de cette stratégie concerne le tissu des Petites et moyennes entreprises (PME), et propose la mise au point d’un programme de crédits en leur faveur et l’institution d’un moratoire sur la dette des PME, secteur par secteur.
Le quatrième point invite le gouvernement provisoire à maintenir la compensation des produits de base, à la renforcer et à oublier, une fois pour toutes, la vérité des prix exigée par les bailleurs de fonds que M. Ziegler qualifie «d’organisations mercenaires».
Le cinquième point et le dernier concerne le financement de l’ensemble de ces priorités. M. Ziegler n’y va par quatre chemins. Il propose aux Tunisiens de refuser de payer «la dette odieuse» contractée du temps de Ben Ali et d’en convaincre les bailleurs de fonds par le biais d’audits rigoureux des conditions dans lesquelles cette dette a été contractée. Dans cette optique, il donne pour exemple le cas d’un pays comme l’Equateur qui avait refusé de payer ce type de dette et obtenu gain de cause auprès de ses créanciers.
Le droit international la définit «comme une dette contractée par un régime despotique pour des objectifs étrangers aux intérêts de la Nation et des citoyens. A la chute d’un tel régime, les créanciers ne peuvent exiger des remboursements que du despote déchu. Cette doctrine s’est appliquée à plusieurs reprises de l’histoire des deux derniers siècles».
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