«Nous aurions bien voulu débattre des problèmes de développement, de liberté, de
dignité et de démocratie pour lesquels la révolution du 14 janvier 2011 a été
faite, mais l’émergence, ces jours-ci, dans les rues, de groupes salafistes,
particulièrement violents, ciblant la femme et la stabilité de la société, nous
ont imposé un autre débat, celui de la légitimité et de la non légitimité
historique du référentiel dont se réclament ces groupuscules, en l’occurrence la
Chariaâ, ensemble de normes doctrinales, culturelles, morales et relationnelles
établies par des hommes». C’est en substance en ces termes que Mme Zahia Jouirou,
islamologue et consultante internationale en la matière (eh oui les femmes
ont-elles aussi leurs islamologues…), a expliqué le bien-fondé de la conférence
qu’elle a donnée sur le thème: «la femme et l’Islam» dans le cadre des activités
de l’association «Femme et Dignité» (6 juillet 2011).
Mme Zahia a remonté dans l’histoire pour expliquer la diabolisation de la femme,
depuis le péché originel, en passant par l’avènement des religions monolithiques
patriarcales, par la tendance manifeste des hommes à asservir la femme et à la
soumettre à leur bon vouloir. Il s’agit pour la conférencière d’une revanche
historique des hommes, car dans les temps reculés, les divinités étaient des
femmes (Isis, Osiris…). Les choses ont, depuis, changé. L’interprétation des
textes sacrés, œuvre de machos, a consacré, systématiquement l’hégémonie de
l’homme sur la femme.
A titre indicatif, le pratiquant juif (homme) commence, aujourd’hui, sa prière
par remercier Dieu pour ne pas l’avoir créé femme, tandis que la femme juive
remercie le même Dieu pour l’avoir créée soumise à l’homme.
Les chefs des mouvements fondamentalistes islamistes se prennent pour des
représentants du «clergé», lequel n’existe pas en Islam. Forts d’un droit
usurpé, des chefs comme Rached Ghannouchi du mouvement Ennahdha, et Hassen El
Benna, chef historique des Frères musulmans en Egypte, ont assigné à la femme un
rôle fort réducteur. Celui de se marier, d’enfanter et d’éduquer les enfants.
Mention spéciale ici pour Rached Ghannouchi qui a tendance, après la révolution
du 14 janvier, à changer de ton et à prétendre adhérer au Code du statut
personnel. Pour Mme Zahia Jouirou, il le fait surtout pour des raisons
politiques et sa soif du pouvoir. Ses convictions restent les mêmes et ses
écrits l’attestent. L’écrit étant plus crédible que les professions de foi, à
ses yeux.
Les techniques utilisées par les machos musulmans consistaient à imposer aux
femmes, entre autres le voile. Pour Mme Jouirou, le voile, qui était destiné, au
commencement, à masquer la poitrine, mais les salafistes l’ont exploité pour
masquer, d’abord, les cheveux de la femme, perçus comme un élément de tentation
extrême, et ensuite, pour exclure la femme de la vie publique.
Deuxième mauvaise interprétation du coran, selon Mme Zahia: l’héritage. Le texte
sacré, qui ne signale aucune discrimination à l’endroit de la femme, a été
interprété autrement par la Chariaâ. Celle-ci réduit de manière significative la
part de la femme (la moitié de celle qui revient à l’homme)…
Globalement, Mme Zahia Jouirou estime qu’il est temps de débattre de
l’intemporalité du Coran et de la maxime selon laquelle le coran est valable
n’importe où et en tout temps. La vie a beaucoup changé. La Chariaâ, qui n’est
inspirée que dans une faible proportion du Coran et dans une grande partie de
sources humaines, est, de nos jours, en porte à faux avec la culture de la
citoyenneté et de l’indivisibilité des droits de l’homme, et surtout, du droit
des femmes à tous les droits.
Mme Jouirou insiste pour qu’on fasse la différence entre le Coran en tant qu’un
ensemble de valeurs d’équité et de justice, et la Chariaâ, une interprétation
humaine de ce texte sacré qui incrimine et diabolise la femme.
Lors du débat qui s’est instauré ensuite, des participants ont exigé de mette
fin à cette diabolisation de la femme, voire à cette absurdité dégradante pour
l’Islam d’autant plus que les adeptes d’autres religions, comme le Judaïsme et
le Christianisme, ont connu, en dépit de leurs limites par rapport à la religion
islamique, plus de stabilité et de prospérité.
Certains sont allés jusqu’à demander au ministère des Affaires religieuses
d’exiger des imams prédicateurs des Curriculum Vitae prouvant leur aptitude à
encadrer les fidèles, sachant que des imams salafistes, de véritables monuments
érigés à la gloire de l’ignorance et l’obscurantisme, squattent, actuellement,
les lieux de culte dans l’impunité la plus totale.
La responsabilité de la femme qui accepte d’être soumise a été évoquée au cours
de ce débat. Il en est sorti que la lutte contre l’obscurantisme relève de la
conscientisation, sur un pied d’égalité, et des femmes et des hommes.
Dont acte !