Un jeune a créé une série en BD (Bande dessinée), il en publie un extrait
nouveau chaque jour. Sur Internet bien sûr, sur un site dédié. Les gens viennent
voir, et reviennent, presque tous les jours. Le site fait du trafic. Le jeune en
question gagne très bien sa vie, en dessinant tranquillement des personnages de
BD, derrière son écran de PC. Il «travaille» quand il veut, là où il veut, au
lit à 10h du matin, dans un café, à la plage, où il veut. Il n’a besoin que de
son PC, et de son envie de dessiner. D’où «travailler» entre guillemets, puisque
cette personne fait ce qu’elle aime, et a la chance de gagner sa vie en se
faisant plaisir.
Les «knowledge workers», c’est comme ça qu’on les appelle, autrement dit pour
faire simple, les “travailleurs du savoir“. L’économie de la connaissance, des
activités à forte valeur ajoutée, intensives en connaissances, etc. Des concepts
qu’on retrouve de plus en plus dans les manuels de gestion des écoles de
commerce.
Mais pour bien cadrer les choses, il faut dire que tout secteur de l’économie,
ou toute activité quelle qu’elle soit, contient de la connaissance, un certain
savoir, qu’il soit théorique, ou pratique, ce qu’on appelle le savoir-faire. Ce
qui est nouveau dans les secteurs dits de l’économie de la connaissance, c’est
que les activités en question sont intensives en connaissances. Et que, le plus
souvent, ces connaissances sont exploitées, intégrées dans les processus de
production, et gérées… de façon virtuelle.
On n’a pas besoin de donner un bureau au salarié, il ne pointe pas tous les
jours à 8h du matin. C’est un «knowledge worker», un travailleur du savoir. Le
rapport qu’il entretient avec son employeur est particulier, en tout cas
différent du rapport employeur/employé classique, ou traditionnel. Celui du
taylorisme, des chaînes de montage, et de l’organisation scientifique du travail
(OST).
C’est un rapport basé sur les objectifs. Une obligation de résultat, pas de
moyens. Il faut accomplir telle et telle tâche, dans tel et tel délais; peu
importe s’il va bosser le matin, la nuit, en pyjama, ou devant sa télé. Et bien
sûr, ce qui a rendu tout cela possible, c’est la révolution technologique;
révolution oui, parce qu’on peut acquérir, traiter, stocker, gérer et diffuser
une très grande quantité d’informations, de connaissances. Qui qu’on soit, peu
importe où on est. Internet, un monde dans le monde.
Un gisement de potentiel, oui. Tiens, Google par exemple, une entreprise qui
fait un chiffre proche du PIB de certains pays (parfois des grands), une
entreprise en grande partie virtuelle, et en réseaux. L’Inde, une croissance à
deux chiffres, en bonne partie grâce à des activités intensives en
connaissances, le plus souvent virtuelles. Des ingénieurs qui gèrent la
plateforme d’une banque installée en Suède. Des comptables qui font de la
comptabilité à distance, sous-traitée par une entreprise qui fabrique je ne sais
quoi, et qui est installée en Australie, etc.
Quid de notre pays?
Pour lancer une véritable économie de la connaissance dans notre pays, il faut
une stratégie. Des actions cohérentes et un objectif donné.
Il faudrait orienter les jeunes vers le virtuel. Le virtuel, c’est bien plus que
FB. Il faudrait équiper les écoles, les lycées, les universités, les maisons de
jeunes, en ordinateurs et en connexion haut débit… et même créer des structures
appropriées, qui soient dédiées à l’économie de la connaissance.
Il faudrait encadrer les jeunes. Leur donner l’envie de créer, l’envie de
réussir, en créant des choses. Tous ces jeunes qui «habitent» les cafés, et qui
s’abrutissent en regardant Rotana ou MTV, que ce soit dans les villages les plus
pauvres, ou dans les quartiers chics de la capitale.
Il faudrait bien leur expliquer que chacun peut gagner sa vie, derrière son
écran de PC. Que l’économie de la connaissance c’est un tournant dans l’histoire
de l’humanité peut-être, et qui va (ou qui a déjà…) inverser les rapports de
forces nord-sud.
Chacun peut se découvrir un talent, un «skill» disent bien les Américains,
c’est-à-dire quelque chose qu’il sait faire, et qu’il peut vendre. Une
compétence particulière, loin, bien loin des sentiers battus, et des
classifications bidon de nos universités. Un skill, un talent, comme cette
personne qui dessine des personnages de BD. Elle n’a pas appris ça dans une
école. C’est quelque chose qu’elle aime faire.
Il faut sortir des approches classiques de l’emploi. Le monde change, l’économie
devient de plus en plus virtuelle. Surtout celle intensive en connaissance. Il
faut aller dans le sens de cette évolution. Envisager une nouvelle approche de
l’entrepreneuriat… Mais ça, c’est un autre chantier! On y reviendra.