Il ne faut pas être un bon observateur pour se rendre compte que la ville de Hammamet ne vit pas à l’heure de la grande affluence des années précédentes. Reportage.
Dimanche 11 juillet 2011. Midi. Pour Messaoud, qui est employé dans une boutique de produits d’artisanat à côté de l’hôtel Sindbad, le grand nombre de voitures qui stationnent à proximité de cet établissement hôtelier et de bien d’autres ne peuvent tromper l’œil du visiteur. «C’est dimanche, et puis s’en va!», commente-t-il. «Demain, Hammamet retrouvera son allure de cet été 2011: le calme plat ou presque», se désole-t-il.
De toute façon, pas besoin d’être un bon observateur pour remarquer que nous sommes loin de la grande affluence des années précédentes. Sur la grande avenue du Koweït, qui va de l’entée sud de la ville jusqu’à la gare, nous sommes loin des embouteillages d’antan et du tintamarre des klaxons.
Les badauds qui essaiment dans les plages de sable fin de la ville se font, également, plus rares. Comme les cars de touristes dont les sièges sont occupés par dix clients à tout casser.
Une pizza, un plat de pates voire une petite salade…
Même spectacle dans le centre-ville où tous les restaurants ne semblent pas faire bonne recette. «Une pizza, un plat de pates voire une petite salade, c’est le quotidien des clients que nous recevons depuis le début de l’été», se lamente, la mine grise, Férid, employé d’un restaurant de la Corniche, situé à la Cité commerciale qui fait face aux remparts de la médina de Hammamet.
Il poursuit: «C’est du jamais vu. J’ai même observé un touriste muni d’une calculatrice. Il a calculé le prix du menu qu’il allait prendre avant de s’introduire dans le restaurant. Les temps sont durs pour tout le monde!»
Dans bien des artères de la ville, les pancartes annonçant la location d’une villa meublée ou d’un studio n’ont pas trouvé –encore- cette année beaucoup de preneurs. Mansour, qui offre, chaque été, deux studios, raconte: «Je ne peux dire qu’il n’y pas de locataires. Mais, le comportement de ces derniers a beaucoup changé: on loue à la petite semaine, rarement pour une période plus longue. Il y a même ceux qui veulent louer pour deux ou trois jours. Et puis, on vient vous voir à la dernière minute. Il fut un temps où on venait me voir en avril pour me louer les deux studios pour juillet-août».
Ali n’a pas eu la même chance. Il a, en effet, fini par ranger la pancarte en carton qu’il a accrochée à un poteau au coin de sa rue. Personne n’est venu le voir pour louer son appartement. «C’est foutu, note-t-il, nous sommes presqu’à la mi-juillet et à moins d’un miracle, je ne pense pas que je trouverai un locataire. Et ne me parlez pas du mois d’août. Qui viendra à Hammamet pour passer des vacances en plein mois de Ramadan?», désesprère-t-il.
Mohamed s’accroche, quant à lui, à son miracle. Il n’a pas perdu espoir de voir débarquer des clients algériens. Pour ce faire, il n’a pas retiré de la devanture de son restaurant, situé sur l’Avenue du Koweït, le drapeau algérien qui ne quitte pas des yeux. «Je me réveille tous les jours avec l’espoir de revoir Abdelaziz et son épouse Sarra, qui venaient, les années précédentes, toujours manger ici à heures fixes. Ils sont si gentils», affirme-t-il.
Des prix fous
Mais, il n’y a pas que les touristes algériens qui ont manqué cet été à l’appel. Certains habitués, dont des hommes d’affaires proches de l’ancien régime, n’ont pas fait le déplacement de Hammamet.
La villa de l’un d’entre eux, située à côté de l’hôtel Sindbad, est fermée. «Des baigneurs ont approché leurs parasols de la clôture de sa maison, ce qu’ils n’osaient pas faire les années passées. J’ai même vu un couple s’installer sous le parasol, fait de branches de palmiers, installé face à la porte de la maison qui fait face à la mer», constate un gardien des environs.
Mais si les estivants ne sont pas venus en nombre cet été, c’est parce que les gens n’ont pas beaucoup d’argent et parce qu’ils ont peur. «Beaucoup pensent que le pays n’est pas encore sûr. Ils se trompent totalement. A Hammamet, les vols et la criminalité n’ont pas connu de bond significatif par rapport à l’année précédente, par exemple. Hammamet, ce n’est pas Tunis», soutient un taximan.
Il ajoute: «Et les hôteliers ne facilitent pas la tâche aux citoyens. Ils continuent à pratiquer des prix fous. 1000 dinars, voici ce qu’un couple avec deux enfants débourse au minimum en trois jours dans un hôtel de catégorie moyenne. Ils font fuir les gens».
Une situation qui touche tout le monde. A commencer par ce patron d’un café des environs de la gare de Hammamet qui s’évertue à vous expliquer que «la guigne qui s’est installée dans la ville n’encourage pas les gens à s’installer dans les terrasses des cafés». Son chiffre d’affaires n’est plus ce qu’il était, il est en recul de 40% par rapport à l’été 2010.