Les Tunisie résidents à l’étranger “TRE“ se demandent si c’est du lard ou du cochon. Ils sont en totale aberration face à la position stoïque de Tunisair quant à leur retour au bercail. Des tarifs salés pour un billet d’avion et deux heures de vols dans des conditions… pas terribles. Bitable, en effet.
Vous voulez rentrer au pays via Tunisair? Déboursez 1.335 euros alors. Cela vous fait 1.000 euros de plus, environ. Car la Tunisie d’après Révolution se paye cher! Dire que le gouvernement s’acharne depuis des mois, à travers des compagnes publicitaires, à inciter les TRE à rentrer pour renflouer les caisses en devises! Aujourd’hui, il baye aux corneilles. Les Tunisiens résidents à l’étranger se révoltent par un cri de silence sans échos.
Nous avons cherché à dissiper le flou sur cette affaire et comprendre ce qui s’est réellement passé. Après la publication des explications de Tunisair, voici les réactions d’autres parties prenantes.
Dans notre quête de la vérité, les opinions divergent: il y a ceux qui confortent la position de la compagnie historique et ceux qui la réfutent dans l’indignation absolue.
M. Mohamed Ilyes Ben Othman, directeur de l’agence de voyage «Diamond Travel», appuie la version de Tunisair et nous confie que: «le tarif appliqué par la compagnie aérienne à hauteur de 1.335 euros est ce qu’on appelle le tarif plein destiné à quelques classes pour les retardataires qui veulent prendre un vol à la dernière minute. Tunisair ne peut, dans le cas présent, affréter d’autres appareils ou chartériser des vols afin de remédier aux réservations de dernière minute des TRE».
Face à ce point de vue qui, en apparence, est plausible, M. Samir Bouzidi de l’Association Tunisiens du monde, à l’origine de l’initiative «Cet été, je rentre», a une autre vision des choses: «ce que je reproche justement à Tunisair c’est le manque d’anticipation sur ce genre de situation qu’elle aurait pu faire en chartérisant des vols depuis le mois de juin, sachant que deux jours suffisent pour cette opération».
Et l’argumentaire des deux côtés s’approfondie. Mohamed Ilyès Ben Othman insiste sur le fait que: «l’ennui est que la compagnie devra faire face à “des sens à vide“, c’est-à-dire des vols occupés à l’aller mais vides au retour. Ainsi, si Tunisair applique des tarifs aussi élevés, c’est simplement pour pouvoir compenser ce vide, car avec le prix du kérosène en flambée, la compagnie aura beaucoup à perdre. Sans oublier que la mise en place de l’appareil requiert toute une étude qui coûte des millions d’euros, ce qui augmentera remarquablement le coût de l’heure de vol».
Donc selon les dires de l’agent de voyage, pour Tunisair, il est surtout question d’économie et de gaspillage susceptible d’alourdir son budget, déjà fragilisé par la gestion de ses ex-dirigeants. Toutefois, et selon Samir Bouzidi: «les TRE se sont certes montrés plutôt frileux quant à la réservation de leurs vols à l’avance, surtout du fait de la psychose d’insécurité dans le pays, mais depuis la mi-juin, il y a eu un emballement des réservations et Tunisair aurait tout de même pu réagir au niveau de leur stratégie commerciale et même financière».
Les solutions existent, l’Etat peut, par exemple, se porter garant et rembourser les places vides, ou encore opter pour le “cobording” avec d’autres compagnies aériennes de vols charters et mutualiser ainsi les risques. Oui mais Tunisair ne semble pas croire au fameux dicton «quand on veut, on peut», ni même au fameux «mieux vaut tard que jamais».
Si les TRE ont décidé de s’y prendre à la dernière minute, il faudra qu’ils en assument les conséquences aussi fâcheuses soient-elles et qu’ils casquent. A dire vrai, les vrais perdants dans cette histoire, ce sont Tunisair, qui subi un préjudice au niveau de son image en agissant si indifféremment, et l’Etat qui convoite l’entrée massive en devises de nos chers TRE. Pas de bol!
D’ailleurs, et nous nous n’en attendions pas moins, les autorités publiques (ministère du Transport et du Tourisme) semblent apprécier ce jeu de ping poing, avec en guise balle le dossier de la tarification exorbitante des vols à destination de la Tunisie.
Pas de souci, ils finiront par trouver une solution d’ici la fin de l’été. Zubair Jrebi, attaché de presse au sein du ministère de Tourisme, nous confie: «le ministère a repris le dossier depuis quelques semaines, et essaie tant bien que mal de trouver la solution la plus adéquate pour satisfaire la demande des TRE. Toutefois, et pour l’heure, l’étude du dossier est toujours en cours, nous soumettons simplement des propositions et c’est du ressort du ministère de Transport d’appliquer des mesures concrètes».
Samir Bouzidi affirme, par ailleurs que «Tunisair cherche à éponger son déficit en appliquant des tarifs aussi élevés au lieu de chercher à optimiser les entrées en devises en encourageant les TRE à rentrer en Tunisie. S’ajoute à cela l’absence de catering depuis deux mois et le service à bord qui laisse à désirer». Nous devons dire que cet argumentaire semble tenir la route. Encore faut-il qu’il soit vérifié. Pas vraiment moyen!
Tunisair est leader sur le marché avec une part de l’ordre de 40%, cela ne l’empêche pas d’avoir du mal à s’en sortir correctement. Pourtant, il va falloir qu’elle se retrousse les manches et rapidement. Car l’open sky c’est pour bientôt.
Tableau comparatif
Ce tableau illustre des exemples de tarifications de différentes compagnies aériennes pour la période de mi-juillet à mi-août pour un vol de Paris/Tunis (13 juillet 2011).