«L’Union européenne est formellement prête à lancer le dialogue sur la migration, la mobilité et la sécurité. Ce dialogue nous permettra de se communiquer les besoins, de mettre en place de nouvelles formes de coopération et d’établir “un partenariat de mobilité“. Nous sommes prêts à apporter un soutien fort à la stabilisation politique du pays», a lancé Dirk Buda, chargé d’affaires auprès de la Délégation de l’Union européenne en Tunisie, lors de la conférence internationale sur le rôle de l’immigration dans le renforcement du développement en Tunisie durant la période post-révolution, organisée les 13 et 14 juillet 2011 à Tunis.
Cette déclaration, si elle se traduit dans les faits, peut apporter du baume au cœur des décideurs tunisiens quant au démarrage d’un processus de gestion de la question migratoire qui, jusque-là, ne faisait pas état d’une approche globale mais d’approches unilatérales, selon le contexte de chaque pays européen. Mais il semble que «le printemps tunisien» -et arabe- ait soulevé des questionnements quant à l’efficience des politiques migratoires actuelles, et provoqué le débat dans certains pays européens, particulièrement en Italie et en France, touchées qu’elles sont par la vague migratoire de ces derniers mois.
Mobilité et partenariat…
La conférence internationale de Tunisie sur l’immigration a pour objectif de recueillir des propositions et des recommandations pour établir ce qu’on peut appeler “une feuille de route“ afin de réguler les flux migratoires, autrement dit mettre en place une gestion plus efficiente de la question de la mobilité, et par ricochet tenter d’endiguer l’immigration clandestine, devenue une problématique pressante pour les Européens.
C’est ainsi que la Commission sur la migration au sein du Parlement européen propose d’ouvrir un dialogue avec les pays du sud de la Méditerranée pour l’élaboration de ce qu’elle appelle «des partenariats pour la mobilité». La première phase de ce dialogue sera entamée avec la Tunisie, le Maroc et l’Egypte. L’Union européenne semble disposée à adopter une approche réconciliatrice plutôt qu’une approche défensive. Il s’agit d’étudier la question de la mobilité sous un aspect positif, en sa relation avec le développement et l’enrichissement des pays d’origine et des pays d’accueil.
Politique efficace…
«On parle toujours de la migration comme une source d’appauvrissement mais elle a beaucoup de côtés positifs. La maîtrise des flux migratoires est une condition pour que développement et migration aillent de pair. Egalement, il faut établir une politique de gestion efficace pour favoriser les flux réguliers et éviter la fuite des cerveaux dans les pays d’origine», explique M. Buda.
Pour Lukas Gehrke, vice-président du Centre international pour le développement des politiques migratoires, l’immigration étant un phénomène global, il est nécessaire d’apporter une réponse globale. «Elle a un grand impact sur le développement. Et elle doit impliquer aussi bien les gouvernements que la société civile pour trouver des réponses tangibles à cette question», explique-t-il. Il ajoute que l’immigration doit être pensée dans sa globalité comme un phénomène qui a d’importantes perspectives pour les pays concernés. «Avec la crise économique et les questions sécuritaires, l’immigration est un grand défi pour les politiciens. Il est important de la penser comme une perspective de développement pour réussir sa gestion», note M. Gehrke.
Rationalisation…
Pour la Tunisie, c’est une solution, entre autres, pour résorber le chômage des jeunes diplômés, dans ce contexte difficile que vit notre pays. Ali Goutali, ambassadeur et directeur de l’Institut diplomatique de formation et d’études, affirme qu’il s’agit de proposer la révision du système des quotas, sa simplification et sa généralisation à d’autres pays européens. Les Tunisiens lancent aussi un appel à rationnaliser la gestion de l’immigration organisée en offrant de plus grandes opportunités aux diplômés tunisiens. «Jusque-là, le nombre est resté très faible et les spécialités demandées ne sont pas en adéquation avec les compétences que les Tunisiens peuvent pourvoir l’Europe», souligne-t-il.
D’ailleurs, Mohamed Mouldi Kéfi, ministre des Affaires étrangères, précisera dans son intervention que la question migratoire est intimement liée à la consécration du développement solidaire. Ses propositions concernent le renforcement de la gestion des ressources humaines selon les besoins sectoriels des pays d’accueil et la mise en place d’un partenariat tripartite basé sur des projets de développement durable dans les zones qui connaissent une forte tendance pour l’immigration.
Encadrement…
Il s’agit aussi de porter une attention particulière aux immigrés légaux par l’amélioration de leurs conditions de travail et de vie mais également de garantir leur libre circulation au sein de l’Union européenne.
D’un autre côté, M. Kéfi a insisté sur le renforcement de l’investissement de la part des Tunisiens résidents à l’étranger (TRE) par la facilitation des transferts financiers et leur orientation vers des investissements productifs, tout en mettant en place des mesures d’accompagnement pour les immigrés intéressés par des projets de développement commun.
Il est également recommandé de donner des garanties juridiques pour les travailleurs tunisiens à l’étranger leur permettant la mobilité professionnelle et l’obtention du statut de résident permanent selon les directives de l’Union européenne. On propose aussi de veiller à l’établissement de mesures financières adéquates pour les immigrés en Europe afin de leur permettre de financer des projets d’investissement dans leur pays d’origine. Enfin, il s’agit de réfléchir à une formule commune pour les transferts des mandats de retraite pour les immigrés.