Parmi tant d’aberrations avérées le long des 23 ans du régime déchu, celle liée
à la gestion des affaires culturelles et particulièrement la gestion des
festivals de Carthage et de Hammamet. Par exemple, jamais journaliste, encore
moins le citoyen, n’était en droit de prendre connaissance de l’importance des
budgets alloués auxdits festivals. Durant 23 ans, les journalistes n’avaient de
cesse de remuer ciel et terre pour défoncer le mystère et accéder à
l’information. En vain. Les coûts des grands spectacles et les cachets consentis
à telle ou telle vedette tunisienne ou étrangère étaient constamment restés
secrets. On ne savait pas non plus qui étaient les impresarii désignés à chaque
fois pour conclure des contrats avec les vedettes étrangères et combien ils
percevaient. Bref, toutes les affaires financières des festivals relevaient du
secret des dieux.
Sauf que, malgré tout, la petite information finissait souvent par être trahie
et tombait dans les oreilles des uns et des autres. On savait, de la sorte,
qu’un spectacle plus ou moins important revenait à environ 120 ou 140 mille
dinars, cependant que les spectacles dits d’envergure se montaient jusqu’à 350
mille dinars. L’handicap que présentaient de telles informations c’est qu’elles
n’étaient pas officielles, personne ne pouvant confirmer ou infirmer.
D’ailleurs, elles étaient toujours démenties par quelque responsable du
ministère de la Culture sans qu’il ait jamais jugé utile de dire ce qu’il en
était au juste.
L’après-14 janvier est arrivé avec un début (et un espoir) de transparence. Le
ministre actuel de la Culture, M. Ezdine Beschaouch, a fait savoir lors de la
conférence de presse annonçant les programmes des Festivals de Carthage et de
Hammamet que le budget global serait de l’ordre de 2 millions de dinars «alors
qu’il tournait autour de cinq millions de dinars lors des éditions précédentes».
Et de préciser encore que «les 82 soirées de 2011 reviendraient moins cher que
les…38 soirées de 2010»!
Une telle information, on ne peut plus officielle, a jeté un pavé dans la mare.
La vérité a éclaté au grand jour. Nous savons maintenant que la gestion des
affaires culturelles était pour le moins interlope. Et il est à se demander si
les gestionnaires des deux principaux festivals de Tunisie ne devraient pas par
hasard rendre bien des comptes à la collectivité. C’est un dossier qui ne
devrait pas rester lettre morte.