Souriez, on vous apporte le bonheur, la solution (finale), c’est la mondialisation. La globalisation. Tout est désormais possible. Dérégulation, liberté des échanges, libre circulation des biens, des capitaux, de tout ce que vous voulez. La planète devient un petit village, vous pouvez allez où vous voulez, pour optimiser votre chaîne de valeur, pour profiter des meilleures opportunités et contourner le maximum de menaces. Exactement comme on vous enseigne dans les écoles de commerce, oui c’est ça.
Oui, vous pouvez installer votre entreprise où vous voulez, c’est-à-dire là où vous pouvez payer les gens le moins cher possible, là où les gouvernements passeront sous silence vos déchets toxiques, là où les populations sont les plus pauvres, les plus ignorantes, où elles ont le moindre pouvoir médiatique, et où vous ne risquez donc rien.
Souriez c’est la mondialisation, la loi de la concurrence et de la compétitivité, et que le meilleur gagne. Appelez vos conseillers, faites des réunions, des brainstormings, et trouvez la meilleure stratégie, l’avantage concurrentiel, le facteur clé de succès, qui feront de vous le leader du marché. Etre leader, produire au moindre coût, avoir le meilleur rendement, la meilleure cotation boursière.
Vos actionnaires seront contents de vous. Dieu argent sera honoré.
Plus de frontières, plus d’Etats-nations, mais des Etats-entreprises, la République universelle. Avec un conseil des entreprises, oups… des ministres. On vous vend la planète. Allez! En contrepartie, vous créez de l’emploi.
Oui, vous allez pouvoir sortir de la misère des milliers voire des millions de gens, en leur donnant un travail, et il leur suffirait de toucher des centimes d’euro/dollar, un minimum, pour ne pas qu’ils meurent de faim, pour qu’ils puissent travailler, produire. Les salaires sont bien étudiés, pour ne pas les laisser mourir de faim. Juste de quoi manger, du pain, le plus souvent. Une espèce de sérum qu’on accroche au chevet d’un malade à l’hôpital, pour le tenir en vie. La couverture sociale? Non ce n’est pas important, de toutes les façons, quand ils sont malades, ils sont incapables de produire.
Mais bien sûr que non, on ne peut rien vous reprocher! C’est le marché, la concurrence, les lois qui prévalent pour tous. On ne veut quand même pas que vous mettiez la clé sous la porte! C’est un système, tout un système. Tu marches ou tu crèves. C’est simple. Qu’est-ce que vous voulez, c’est la vie qui est injuste à la fin, on ne naît pas égaux, bien sûr que non.
Et puis tout le monde n’a pas fait des études, n’a pas travaillé dur toute sa vie, normal que les niveaux de vie soient aussi différents. Fracture sociale? Ah les mots des gauchistes encore et toujours! Ils avaient qu’à faire des études les autres, à bosser, au lieu de se lamenter sur leur sort! Ils n’ont pas l’eau courante? Ils ont souvent faim le soir? Ah mais qu’est-ce que vous voulez….c’est la vie qui est injuste encore une fois. Et puis, un homme seul ne peut pas changer le monde.
Mais de toutes les façons, on y travaille, nous. Nous, on veut une entreprise citoyenne, une redistribution des richesses qui soit la plus équitable possible, on va dans des soirées de charité, on donne de l’argent. On sait bien que c’est important, pour l’image; nos conseillers marketing nous disent de le faire alors on le fait. Oups! Non, on le fait parce qu’on est des entreprises citoyennes, nous. Voilà. C’est ça, voilà.
Alors, souriez…c’est la mondialisation.