L’Association tunisienne du Droit fiscal (ATDF) et l’Union tunisienne de l’industrie, du commerce et de l’artisanat (UTICA) envisagent de créer une commission qui se chargera de l’élaboration d’un programme de réforme du système fiscal tunisien.
Cette réforme du système fiscal ambitionnée vise à préserver l’intérêt général, alléger les charges fiscales, faciliter les procédures administratives, réaliser les équilibres financiers de l’Etat et éviter l’endettement, a indiqué Taoufik Laaribi, président de l’Union régionale de l’industrie, du commerce et de l’artisanat (URICA) de Sousse.
“Notre objectif est de pallier les défaillances du système fiscal actuel, trop compliqué et peu efficace, et d’opter pour un nouveau système démocrate et transparent”, a déclaré Imed Ben Hamdene, président fondateur de l’ATDF, dans une interview accordée à la TAP.
La commission à créer travaillera en coordination avec près de huit sous-comités spécialisés dans l’étude des procédures fiscales (contrôle et contencieux), les impôts directs et indirects, la fiscalité locale, la modernisation de l’administration, les avantages fiscaux, la légistique fiscale (rédaction des textes fiscaux), et la fiscalité internationale.
Les partisans de la réforme plaident aussi pour un rapprochement entre l’administration, les professionnels et les contribuables en matière de fiscalité. Car, «un système fiscal abordable et ouvert à la société civile permettra de booster l’investissement et d’assurer l’équité fiscale », estime M. Laaribi.
Après la révolution du 14 janvier et même avant, le système fiscal tunisien a été remis en cause à plusieurs reprises. Ses failles sont innombrables d’après certains experts et spécialistes du fisc dont les critiques et les propositions n’ont pas été prises en considération par le régime déchu.
M. Ben Hamdene est allé jusqu’à dire que la révolution du peuple tunisien est aussi une “révolution fiscale”. A son avis, loin d’être juste, le système fiscal tunisien a contribué, d’une manière ou d’une autre, à l’accroissement du taux de chômage, principal déclencheur de la révolte sociale, à la création d’un déséquilibre économique et à l’apparition d’une mentalité d’opportunisme et d’assistance “tawakel”.
Ainsi dans son œuvre “Les impôts en Tunisie”, le professeur Raouf Yaich écrit: “Plus les mesures vont dans les détails, plus la fiscalité devient complexe, inabordable et par la même, la mesure inefficace”, confirmant par conséquent les opinions quant au caractère complexe et inefficient du système fiscal tunisien (SFT).
Cette complexité du SFT est perceptible à partir du texte jusqu’aux procédures d’application. C’est que, d’après les experts, la “légistique”, terme qui désigne la rédaction des textes fiscaux, est monopolisée par l’administration fiscale, laquelle tranche souvent pour l’augmentation des recettes fiscales au détriment de l’équité.
Souheil Kaddour, universitaire, a critiqué, pour sa part, la complexité du dispositif des incitations fiscales, dont les mesures varient sans cesse et manquent de cohérence.
Aucune révision ou encore évaluation du rendement économique des différents systèmes d’incitations fiscales n’ont été engagées, situation aggravée par l’absence de statistiques exactes, voire inaccessibles, sous prétexte de confidentialité, a-t-il dit.
Cette complexité constitue une entrave pour l’entreprise, qui se trouve obligée de recourir à des experts et des spécialistes pour comprendre et maîtriser les systèmes d’incitations fiscales. Celle-ci est, par ailleurs, contrainte, de supporter un coût supplémentaire pour garantir une bonne exploitation des avantages fiscaux.
A titre d’exemple, la dualité des lois entre le régime général de droit commun et le régime incitatif dérogatoire, mis en place pour remédier aux anomalies du droit commun, sont à l’origine d’une concurrence déséquilibrée dans les milieux d’affaires. Ainsi, seules les entreprises structurées et accompagnées par des spécialistes et des experts en la matière peuvent mettre à profit les avantages fiscaux.
Les lois fiscales en Tunisie n’ont pas été toujours adaptées au contexte de concurrence, estime M. Soufiane Guermazi, membre de l’ATDF. Il a critiqué, à ce sujet, l’application du décret-loi de l’année 1961, relatif aux conditions d’exercice de certaines activités commerciales des étrangers en Tunisie.
Ce décret-loi, promulgué après l’indépendance pour limiter l’implantation des étrangers en Tunisie, est resté en vigueur à l’heure ou le pays a opté pour une économie ouverte à l’extérieur.
“Même le recours aux conventions de protection de l’investissement suivant lesquelles les investisseurs peuvent s’implanter en Tunisie est parfois difficile, celles-ci étant introuvables”, selon M. Guermazi.
Par ailleurs, certaines formalités exigées par l’administration fiscale bloquent, selon lui, les transactions financières. Il a cité, dans ce contexte, l’article 112 du code des droits et procédures fiscaux, qui oblige les personnes débitrices des revenus soumis à une retenue à la source ou exonérées de l’impôt à présenter une attestation de situation fiscale (délivrée par les services des impôts compétents), lors du transfert des revenus au profit des personnes non résidentes et non établies.
“Nous sommes, en tant que professionnels, conscients de l’utilité de ces procédures mais leur longueur peut dissuader de l’investissement en Tunisie”. D’où la proposition de créer une structure indépendante qui joue l’intermédiaire entre le contribuable et l’administration fiscale en plus de l’élaboration d’études comparatives des systèmes nationaux d’incitations fiscales avec ceux en vigueur dans les autres pays, a-t-il expliqué.
Les interviewés ont été unanimes à affirmer que l’instauration d’un système fiscal efficace et favorisant le développement de l’économie nationale est tributaire de la mise en œuvre d’une approche participative dans le cadre de laquelle l’individu devient un acteur actif dans la vie économique.
L’ATDF est une association scientifique créée en novembre 2000. Elle a pour objectifs de contribuer à l’enrichissement de la matière de droit fiscal et à la diffusion de la culture dudit droit, outre l’encouragement des chercheurs en droit fiscal.
(Source: TAP)
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