Interventions trop longues, regards non fixés en direction de la caméra,
vêtements aux couleurs bariolées: les erreurs de nos politiques en matière de
communication sont nombreuses. Le marketing politique n’est pas encore passé
par-là.
Mercredi 13 juillet 2011. Les membres de la Haute instance pour la réalisation
des objectifs de la révolution, de la réforme politique et de la transition
démocratique prennent la parole devant le Premier ministre du gouvernement de
transition,
Béji Caïd Essebsi.
Le débat, retransmis le soir du même jour, par la chaîne Hannibal Tv, donne
toute la mesure de l’amateurisme des membres de cette instance en matière de
communication: leurs interventions sont trop longues, ils ne regardent que
rarement en direction de la caméra qui les filme, ils portent souvent des
vêtements aux couleurs bariolées qui «ne donnent que rarement à l’écran», comme
disent les professionnels du media training,…
Autant d’erreurs de communication qui «insultent» la communication
audio-visuelle qui a ses règles: faire court car la mémoire du téléspectateur et
sa patience ne sont pas élastiques: 2 minutes par intervention généralement;
regarder constamment la caméra: une marque de respect pour le téléspectateur;
porter des couleurs unies qui siéent à la télévision.
Fades et insipides
Et comble de la situation, un membre de la Haute instance demande que les débats
de cet organisme soient retransmis en direct à la télévision. Une demande qui
rappelle, cela dit pour certains, le zèle avec lequel des députés de la défunte
Chambre des députés, sous le règne des Ben Ali-Trabelsi, et pas seulement dans
les rangs du défunt
RCD (Rassemblement Constitutionnel Démocratique),
défendaient la retransmission des débats parlementaires à la télévision.
Ceux-là mêmes qui se plaignaient en même temps que la télévision publique ne
fasse pas les efforts nécessaires pour récolter de la publicité. Sans doute en
diffusant des débats fades et insipides à la Télévision?
Remarque d’un consultant français auquel un député français reprochait qu’une
chaîne de télévision ne transmettait pas ses interventions à l’Assemblée
nationale -française-, celui-ci lui répondit “parce que vous n’offrez pas un
spectacle“. En ajoutant que “la télévision ne veut que des shows“.
L’Etat spectacle
La politique, c’est, en effet, du spectacle. Nous savons notamment depuis
Roger-Gérard Schwartzenberg qui en a décrit les tenants et aboutissants (voir
L’Etat spectacle, Paris : Edition Flammarion, 1977, 318 pages) que la
communication ciblée, qui fait tout pour plaire, est «un partenaire du jeu
politique». Le marketing politique est une discipline qui est, du reste, vieille
de plusieurs années. Elle est enseignée à l’université et a des adeptes dans
tous les partis politiques dans les pays démocratiques.
Des meetings, aux prospectus en passant par les plateaux Tv, les hommes
politiques se doivent d’«être vendus comme des savonnettes», pour reprendre une
formule d’un publicitaire américain. On y use des mêmes stratagèmes en
respectant les mêmes 4 P du fameux mix-marketing (politique de produit,
politique des Prix, politique de Place -distribution- et politique de promotion
-dont la communication est un élément fondamental)
A l’heure où notre pays s’engage dans une démocratie, cette réalité se doit,
sans doute, d’être rappelée. La politique n’a-t-elle pas, du reste, toujours été
ainsi? Charles Maurice de Talleyrand de Périgord (1754-1838), homme politique
français largement connu pour être à la fois pragmatique et…cynique, soutenait
qu’«En politique, ce qui est cru devient plus important que ce qui est vrai». Ce
qui pourrait se traduire en termes de communication politique par ceci: la forme
est autant importante que le fond sinon plus importante!