Deux instantanés de la Tunisie d’après le
14 janvier 2011 qui en disent, sans
doute, long sur les risques du réel embrasement qui guette le pays. Ils sont
liés à la réaction de commerçants, à Tunis et à Kairouan, aux manifestations,
grèves et autre sit-in qui mettent en péril leur gagne-pain.
Fin juin 2011, des touristes sont empêchés d’entrer dans la Grande Mosquée Okba
Ibnou Nafâa et au Mausolée du Barbier, plus connu sous le nom d’Abou Zomâa El
Balaoui, un des disciples du Prophète Mohamed (qssl).
La visite de ces deux hauts lieux de l’Islam au Maghreb est programmée dans les
circuits touristiques de la quatrième ville sainte de la religion musulmane au
même titre que les bassins des Aghlabides, du nom de la dynastie qui a gouverné
la Tunisie entre 800 et 909, ainsi que les souks de la médina.
Lorsqu’ils apprennent la nouvelle, les commerçants des souks et notamment les
marchands de tapis se fâchent.
Aucun salaire, aucun fixe
Eliminer la Grande mosquée et le Mausolée de Sidi Sahbi, autre nom donné au
Mausolée du Barbier, c’était automatiquement éliminer la visite des magasins de
tapis: les touristes sont amenés par bus entiers aux magasins contre un
pourboire pour l’agence de voyage, le guide et le chauffeur. C’en était trop. Le
recul de l’activité touristique ne facilitait déjà pas la tâche des commerçants
des souks!
On raconte à Kairouan que les commerçants des souks avaient mobilisé les «Bezness»,
nom donné aux personnes chargées de prendre contact avec les guides et les
chauffeurs ou d’accoster les touristes lorsqu’ils débarquent dans la ville pour
les inviter dans les magasins de tapis auxquels «ils sont rattachés», pour
s’attaquer aux empêcheurs de tourner en rond. Il y avait de quoi: les «Bezness»
sont payés à la commission, autrement dit aucun salaire ni aucun fixe.
Vrai ou faux, l’essentiel est là: les touristes ont pu, début juillet 2011,
reprendre le chemin des deux hauts lieux de culte. La police et l’armée sont
intervenues, mais la rumeur enfle à Kairouan sur le fait que certaines personnes
de la ville qui s’adonnaient au travail de «Bezness» sont allées informer les
empêcheurs de tourner en rond qu’ils connaissant -Kairouan, c’est petit- pour
les menacer de représailles. Tout passe sauf lorsqu’on veut les faire mourir de
faim.
Changement de décor. Nous sommes le vendredi 15 juillet 2011. Quelques heures
après que des manifestants ont tenté de faire vivre, à Tunis, un «Kasbah 3», la
rumeur enfle également au sujet d’une réaction des commerçants des souks, qui
n’ont que trop souffert des sit-in de La «Kasbah 1» et de La «Kasbah 2».
En pleine saison touristique
Là aussi, donc, on dit que les commerçants ne toléreront plus une occupation de
La Kasbah. Comme si le recul de l’activité touristique n’était pas suffisant, il
leur fallait encore voir leur commerce péricliter: La «Kasbah 3» intervenant en
pleine saison touristique.
On souligne que les commerçants ne se laisseront plus faire. Qu’ils auraient
mobilisé des personnes pour barrer la route à ceux qui veulent les affamer. On
évoque la constitution de comités pour défendre leur gagne-pain.
Une version des faits reproduite par un communiqué du ministère de l’Intérieur
qui évoque la constitution de comités dans les quartiers voisins de La Kasbah.
«Le déploiement des forces de l’ordre -à La Kasbah- avait pour objectif
d’intercéder entre les deux parties et d’empêcher les affrontements qui peuvent
intervenir entre les commerçants et les habitants et quelques jeunes
manifestants».
Deux instantanés de la Tunisie d’après le 14 janvier 2011. Mais qui en disent
long sur les risques de réel embrasement qui guette le pays. N’oublions pas que
les affrontements qui ont déchiré et meurtri il y a quelques jours des villes
tunisiennes ont commencé avec pratiquement peu de chose: quelques rixes … qui
sont allées –hélas- trop loin.