Pour sa conférence annuelle, le Centre de Réflexion Stratégique Pour le
Développement du Nord-ouest “ CRSDNO“, qui se tiendra le 23 juillet 2011 au
siège de l’UTICA, a choisi un thème on ne peut plus d’actualité: «Développement
économique et transition démocratique en Tunisie».
Pour animer les débats –parce qu’il y en aura assurément-, le think tank a
invité trois personnalités de renom, en l’occurrence Emile Constantinesco,
ancien chef d’Etat de Roumanie, le Pr Chedly Ayari, ancien ministre et éminent
économiste, et Dr. Mohamed “Mo” Ibrahim, président-fondateur de la Fondation «Mo
Ibrahim» pour la bonne gouvernance.
Dans un document qu’il nous a fait parvenir, Kamel Ayadi, président-fondateur du
du CRSDNO, avec d’autres hauts cadres originaires des gouvernorats de Béja,
Siliana, Jendouba et du Kef, il y a peu de temps, plante le décor de cette
conférence. D’abord, en termes de chiffres, il souligne que seront présents à
cette rencontre pas moins de sept cents cadres de la région du Nord-ouest et
bien d’autres.
Comme son thème l’indique, la conférence n’abordera pas des problèmes
spécifiques à cette région Nord-ouest de la Tunisie, mais de la Tunisie tout
entière, et ce même si cette manifestation constitue une première dans
l’histoire de cette partie du pays. D’ailleurs, la confirmation de participation
de plusieurs partis politiques, hommes d’affaires et autres personnalités
nationales le prouve largement. Et elle s’attardera essentiellement sur l’aspect
développement économique en général, et celui du développement régional en
particulier.
Il faut dire que, il y a quelques mois, lorsqu’on lui a posé la question sur les
raisons de la création d’un think tank au lieu d’un parti politique, Kamel Ayadi
ne nous avait pas caché “sa frustration de voir la question économique reléguée
en second plan face aux débats politiques qui agitent la société“. Selon lui,
“la scène nationale est complètement envahie par des tensions d’ordre politique
et des discussions parfois stériles“.
Face à cette situation, M. Ayadi souligne que “l’élite qui se réclame de la
mouvance économique composée des technocrates est sous le choc et n’arrive pas à
faire entendre sa voix“. Et estime également que “le gouvernement provisoire est
entraîné dans le sillage du débat politique et ne ressent pas le besoin
d’engager une consultation avec les acteurs économiques sur la question du
développement. Pourtant, l’agenda économique est une question aussi importante
que la transition politique“.
Et pour bien montrer l’ancrage économique du CRSDNO, la conférence du 23 juillet
enregistra la participation d’éminentes personnalités internationales, en
particulier l’ancien président de la République de Roumanie, Emil Constantinescu,
ainsi que l’homme d’affaires Ibrahim Mo, fondateur de l’entreprise des
télécommunications CELTEL qui exploite des réseaux de téléphonie mobile dans
quatorze pays africains.
Ibrahim Mo est également le président fondateur de la “Fondation MO pour la
bonne gouvernance” qui publie annuellement l’index de la gouvernance et décerne
l’un des plus grands prix au monde destiné à récompenser des chefs d’Etat et de
gouvernement africains ayant quitté le pouvoir après avoir réussi à engager
leurs pays sur la voie de la démocratie et de la bonne gouvernance. La valeur de
ce prix atteint la bagatelle de 5 millions de dollars en plus de 200 mille
dollars chaque année et à vie.
Au programme de ces deux invités de marque du think tank, il est prévu deux
conférences. En effet, l’ex-président roumain traitera de “l’expérience de la
Roumanie dans la transition démocratique, alors que Ibrahim Mo parlera “des
attributs de la bonne gouvernance dans les démocraties émergentes. Et Dieu seul
sait combien la Tunisie post-révolution en a besoin!
Quant au professeur et économiste Chedly Ayari, membre du Comité fondateur du
CRSDNO, sa conférence portera sur “la dimension stratégique du développement
régional dans le nouveau modèle de développement économique”. Ce qui devrait
intéresser à plus d’un titre les représentants des partis politiques qui y
seront présents.
Un Nord-ouest repulsif
Selon Kamel Ayadi, le Nord-ouest vise, à travers cette manifestation, “à faire
entendre sa voix et contribuer à jeter les bases d’un dialogue national et
fructueux sur la question économique et amener le gouvernement à engager une
consultation sur les choix économiques“ du pays. Cela signifie-t-il donc un
appel à la présence d’un ou des membres du gouvernement de transition? Si Kamel
Ayadi ne le dit pas, mais quand on sait lire entre les lignes, on peut y
détecter cette invite tacite.
Pour revenir à cette région du Nord-ouest de la Tunisie (Béja, Siliana, Jendouba
et Le Kef), il faut noter qu’elle est riche en ressources naturelles. Elle
constitue même le château d’eau de la Tunisie, là où se concentre la majeure
partie des eaux de surface. Elle est aussi les poumons du pays puisqu’elle
renferme d’importantes ressources forestières. Et c’est grâce à elle que la
Tunisie fut surnommée, jadis, “le grenier de Rome“. C’est tout dire.
Malgré tout son potentiel, le développement du Nord-ouest reste à désirer. De
quoi frustrer voire exaspérer -n’ayons pas peur des mots- les cadres et
habitants de cette région, qui estiment qu’elle est placée “dans une situation
d’asservissement économique, alors qu’elle aurait pu générer un excédent de
développement par rapport à la moyenne nationale“, souligne Kamel Ayadi. Car,
“en dépit de leur volonté de contribuer par la réflexion au développement de
leur région, ils ont été marginalisés et n’ont pas pu aider leur région par leur
savoir-faire“, assure notre interlocuteur.
Pour étayer ses dires sur la situation économique de la région, il invite à
regarder la capacité de rétention des populations. “Entre 1975 et 2004, la
population au niveau national a été multipliée par 1,77 alors que celle du
Nord-ouest ne l’a été que de 0,8. C’est aussi la seule région répulsive de toute
la Tunisie, avec un taux de croissance démographique en baisse depuis 1975“.
En effet, non seulement la croissance démographique y est négative mais en plus
la région enregistre un appauvrissement au niveau de ses ressources humaines.
«Ceci est un phénomène alarmant», s’insurge M. Ayadi. Mais encore, “en
contrepartie, le taux de chômage est élevé et avoisine dans certaines localités
les 40%, soit 3 fois la moyenne nationale“.
Pour les esprits malintentionnés, Kamel Ayadi et les siens rappellent que
l’ambition du Centre de Réflexion Stratégique Pour le Développement du
Nord-Ouest n’est ni plus ni moins que de pouvoir contribuer, par la réflexion, à
la conception de la nouvelle politique du développement de la nouvelle Tunisie.
Et ils comptent montrer et démontrer que le sous-développement économique est
davantage une question politique qu’un aléa climatique ou naturel… De ce fait,
ce n’est pas une fatalité.
Enfin, à travers ce qui précède, il semble que le think tank de Kamel Ayadi soit
décidé à vaincre le signe indien qui frappe cette région depuis -pratiquement-
toujours.