Dans la foulée de la vague de violences qui a déferlé sur le pays ces derniers
temps, une dame s’est écriée: «Allons-nous regretter Ben Ali maintenant?!…».
Curieusement, cette boutade trouve une réponse dans le petit ouvrage paru il y a
près de trois mois sous l’intitulé ‘‘Révolution, et après?’’ de Lamia Karray qui
écrit: «Ben Ali nous a fait un chantage implicite: ou c’est lui et toute sa
mafia, ou ce sont les extrémistes». Effectivement, Ben Ali parti, la violence a
gagné la rue, et c’est l’insécurité qui règne un peu partout dans le pays. C’est
donc une vérité qu’il serait puéril de passer sous silence: du temps de Ben Ali,
il n’y avait même pas eu des velléités de violence –ou peu, très peu. De sorte
que le président déchu était un peu le garant de la sécurité. Car, disons-le
clairement, il savait sévir comme il fallait. Au moins, il avait ce mérite.
Evidemment, l’on ne va pas aujourd’hui regretter le départ de
Ben Ali; tout de
même, c’était un dictateur dont la Tunisie s’est débarrassée un certain 14 janvier. Mais la question lancinante qui se pose aujourd’hui est de savoir si
l’on s’est débarrassé d’une dictature pour subir une autre dictature! Sinon,
comment expliquer ces vagues de violence qui se sont abattues sur le pays, et
qui sont derrière tout cela?
A vrai dire, il n’y a plus personne aujourd’hui qui ignore vraiment qui est
derrière ce mouvement obscurantiste n’ayant pour seule manière de s’exprimer et
d’expliquer sa politique que le bâton et le couteau. C’est l’arme des faibles,
mais c’est une arme qui a fait couler du sang. Au moins deux demoiselles, cet
été, sur la plage, se sont vu taillader les jambes au motif qu’elles portaient
des bikinis. Si seulement les hôtels n’étaient pas très surveillés, des
touristes auraient pu être prises pour cible et c’aurait été le vrai scandale du
tourisme tunisien.
Donc, jeudi 21, l’on a assisté à la deuxième marche pacifique organisée à Tunis
(du côté du Passage en longeant toute l’avenue de la Liberté pour déboucher sur
la Place Pasteur) par quelques partis politiques sous le slogan “Marche pour la
défense de la démocratie et la réussite de la transition démocratique’’.
Auparavant, il y a environ un mois, une première marche s’était organisée contre
‘‘l’intolérance, la violence et le fanatisme’’. C’est formidable, tout ça. Mais
reconnaissons, aussi, que c’est très peu. Quand vous êtes en face d’un
interlocuteur qui n’écoute même pas, quels que soient vos propos restent
inaudibles. Victor Hugo disait: «Rien n’égale la puissance de surdité volontaire
des fanatiques».
Depuis certains jours, on ne parle, sur le plan politique, que de la nécessité
de préserver les acquis de la Révolution, et surtout la transition démocratique;
autrement dit, veiller à faire réussir les élections du 23 octobre. C’est un
objectif, certes. Mais il y a lieu aussi de penser un moment à l’après-23
octobre. N’oublions pas ce qui s’est passé en Algérie en 1993 suite à l’éviction
du FIS.
Aujourd’hui, il y a un objectif primordial, prioritaire, presque aussi important
que les élections du 23 octobre: il faudra coûte que coûte éviter que le pays ne
sombre dans une guerre civile! Ne perdons pas de vue la tragédie algérienne, et
faisons en sorte que jamais cela ne se produise chez nous. Pour cela, nous ne
voyons qu’une seule issue possible: sévir drastiquement contre toute forme de
violence. Sans cela, le risque nous guette tous!