C’est ce que propose Wahid Ibrahim, ex-directeur de l’Office national du
tourisme, qui vient de publier une étude fort intéressante sur la
diversification de l’offre touristique en Tunisie. Intitulée: «D’un
développement touristique face à la mer à un développement touristique dos à la
mer», cette étude ne plaide pas pour une «débalnéarisation» totale mais plutôt
pour une complémentarité entre ce qu’il appelle «le tourisme des régions» et le
balnéaire. Zoom sur les principales conclusions de cette approche.
Dans un premier temps, Wahid Ibrahim déplore l’entêtement des autorités
touristiques à continuer à promouvoir un produit balnéaire à bas prix essoufflé
qui, au regard des résultats n’a nullement besoin, en plus, de faire l’objet de
campagnes publicitaires coûteuses pour le contribuable.
Selon lui, «l’image actuelle du tourisme tunisien, quant elle existe, fait
référence à une monotypie balnéaire largement développée par la communication
commerciale des tours operators. Cette image aurait donc existé même en
l’absence de campagnes institutionnelles engagées par la destination. La forte
saisonnalité qui marque encore la fréquentation touristique actuelle et le
niveau très moyen de la clientèle sont la preuve que la communication
institutionnelle n’a pas réussi à «débalnéariser» et débanaliser l’image de la
destination Tunisie».
Il estime qu’en toute logique d’efficience économique, les 70 millions de dinars
consacrés à la promotion gagneraient à être utilisés pour financer le lancement
de nouveaux produits (maisons d’hôtes, centres de loisirs, gîtes ruraux, centres
équestres, tables d’hôtes, pensions de familles, centres d’observation de la
nature, centres thermaux, espaces d’animation artisanale…).
Ces produits seront développés dans ce qu’il appelle «les régions touristiques
défavorisées» lesquelles ne sont pas nécessairement localisées pour Wahid
Ibrahim au nord-ouest et au centre ouest de Tunisie. Il relève à ce propos que
«les gouvernorats de l’intérieur ne sont pas les seuls à souffrir d’être mis au
ban du développement touristique et que les «poches de misère touristique»
existent aussi dans tous les gouvernorats côtiers, à quelques encablures des
zones touristiques dûment aménagées».
En expert et fin connaisseur du secteur, Wahid Ibrahim va jusqu’à ventiler ces
70 millions de dinars: «si on considère, dit-il, que le coût moyen d’un petit
projet touristique alternatif est de l’ordre d’un million de dinars, cette
enveloppe servirait à réaliser 70 projets et à constituer un joli réseau de
haltes et d’étapes culturelles et écologiques, ainsi qu’un maillage suffisamment
dense pour atteindre à terme, une masse critique capable d’agir efficacement sur
l’image et la commercialisation des nouveaux produits».
Et M. Wahid Ibrahim d’ajouter: «Chacun des 70 projets pourrait créer en moyenne
10 emplois directs et autant d’indirects dans les régions concernées».
Toujours au plan du financement des nouveaux produits, l’étude propose «la
création d’un Fonds spécial d’investissements dans les régions défavorisées, un
fonds qui aurait pour mission de soutenir aussi bien les nouveaux projets que
ceux lancés par certains promoteurs audacieux en dépit de l’absence de textes
réglementaires et d’incitations particulières».
Au plan institutionnel, l’étude recommande la promotion à l’instar de l’ancienne
SHTT, d’une société de développement qui sera chargée de créer le premier réseau
de projets culturo-écologico-touristiques.
«Moyennant un cycle de formation et d’encadrement de démarrage, ces projets,
lit-on dans l’étude, seront confiés à des diplômés du supérieur locaux qui s’en
porteront acquéreurs au bout d’un certain nombre d’années d’exercice. Cette
simple perspective suffirait à motiver ces futurs gestionnaires pour bien gérer
et sauvegarder ce qui finira par constituer et leur gagne pain et leur
patrimoine».
Quant à la rentabilité des unités de ce réseau de projets innovants, M. Wahid
Ibrahim propose de contourner le lobby actuel: agences de voyages et hôteliers
farouches défenseurs du balnéaire par la création d’une nouvelle génération
d’agences de tourisme spécialisées dans le haut de gamme et les produits à la
carte, des structures plus imaginatives et plus réactives à la portée des
diplômés et des guides les plus motivés».
Par delà ces recommandations, l’étude constitue, de toute évidence, une
initiative sérieuse et crédible pour convaincre une administration touristique
formatée, des décennies durant, dans le balnéaire, de l’urgence de diversifier
l’offre touristique et d’en faire profiter les «poches de misère touristique
dans tout le pays».
A bon entendeur.