Tunisie-Postrévolution : L’espoir est-il encore permis?

C’est dommage que ce soit le principe du “quand tu n’es pas avec moi, tu es
forcément contre moi et je ne te respecte pas» qui fait aujourd’hui loi non
seulement sur les réseaux sociaux mais dans tous les milieux médiatiques,
économiques et bien sûr politiques, a déclaré une journaliste de la télévision
nationale.


Et on se rend compte que plus que changer les gouvernements, il devient de plus
en plus urgent de travailler sur notre propre structure mentale et lutter contre
les démons du passé.

C’est d’une thérapie collective que nous avons besoin après plus d’un
demi-siècle de silence forcé. Toujours est-il que les grands satans d’hier ne
sont pas forcément ceux d’aujourd’hui et que si nos yeux restent braqués dans
une seule direction, nous risquons fort bien de ne pas voir les nouveaux démons…
Le pays change, le paysage politique est entré dans un processus de changement,
notre regard sur le gouvernement et nos institutions doit également évoluer.

Cela ne veut pas dire approuver tout ce que fait et dit le gouvernement et
applaudir ses décisions quelles qu’elles soient. Mais plutôt éviter les procès
d’intention et les jugements par anticipation. Essayer d’être aussi objectifs
que possible et ne pas se lancer dans des condamnations gratuites, avant même la
tenue des procès.

«Mauve, contre-révolutionnaire, garce ou vendu»… des termes consacrés à ceux qui
résistent à la vague populiste et préfèrent s’attaquer aux problématiques de
taille, telle que la reconstruction des institutions, la redynamisation de la
justice et son indépendance, la préservation de l’économie et de ses outils et
le soutien des compétences honnêtes et patriotes.

Sur un article écrit sur le site Nawat et intitulé «Monde arabe, l’espoir est-il
encore permis?, un Tunisien au nom de Hizem Mohamed Elhache, parle de la Tunisie
comme «d’avoir été l’espoir du monde arabe, même du temps de
Zaba. L’espoir d’un
accès à la science, à la modernité, à occuper dans ce monde une place autre que
celle de larbins. Nous-mêmes, les gens de ma génération, celle de la génération
de mes enfants portent cet espoir “d’excellence“, qui fait que nos jeunes
s’échinaient à apprendre pour être les meilleurs, ne craignant pas en cela la
confrontation avec leurs semblables de n’importe quel pays du monde, au
contraire», et ajoute que l’espoir doit se lire au conditionnel car «les bases
mêmes de notre dynamisme économique sont en train de s’effilocher, des pertes
considérables sont déjà enregistrées, nous venons de perdre, avec la
déstabilisation de la
Libye, notre plus important marché. L’irruption des
“salafistes“ dans la rue, les menaces et les violences qu’ils exercent
actuellement, la crainte de les voir élargir leur sphère, bloque déjà les
investissements tant internes qu’externes, elle se répercutera si cela continue
par des pertes considérables dans toute notre activité de services». Oser parler
ainsi vous mettrait presque dans le box des accusés. Car en cette conjoncture
délicate pour le pays, nous ne sommes pas sensés discuter d’économie, de
préservation des biens sociaux ou de ce qui est resté de nos institutions.
«Comment osez-vous parler d’économie alors que les snipers n’ont pas encore été
exécutés sur la place publique? Les alliés et familles de l’ancien président pas
encore décapités et les responsables zélés pas encore fusillés!». C’est
caricatural mais c’est tout comme. Alors tout doit s’arrêter, le temps que le
peuple ou les prétendument représentants du peuple aient enfin leurs scalps ou
leurs trophées selon les préférences…

Arrêtons la production de phosphates, laissons les rues occupées par des bandes
de vandales -pardon par des militants des droits de l’homme-, attaquons-nous aux
administrations publiques, que nous allons de nouveau devoir reconstruire par
nos propres sous. Insultons tout le monde sur la télévision publique, il y va de
la liberté de presse et nous «n’allons pas revenir au carreau de l’avant 14
janvier», comme le clame haut et fort Néji Bghouri, vedette de la défense de la
liberté de presse, attaquons les industriels, dégageons les investisseurs… La
nouvelle Tunisie n’a et n’aura besoin de rien et le peuple pourra se suffire de
manger à midi un bon plat de liberté et au soir une soupe de dignité.
N’avons-nous pas été les artisans du printemps arabe, de la révolution de la
dignité? Maintenons donc ce trajectoire de refus: le gouvernement est corrompu,
il faut l’abattre, le ministère de l’Intérieur est rempli de tortionnaires, il
faut les massacrer, les administrations publiques sont truffées d’anciens
RCdistes, il faut les assainir et pendant que nous y sommes, changeons donc la
couleur et les symboles de notre drapeau national, n’a-t-il pas été, comme l’a
dit le porte-parole de Hizb-Ettahrir, l’expression de l’oppresseur?

Les contestations sont les signes d’une bonne santé, mais encore faut-il que nos
chers contestataires systémiques nous fassent des propositions constructives et
positives qui nous fassent adhérer à leurs idées destructrices, constructrices,
s’ils veulent bien nous éclairer.

«Des sottises faites par des gens habiles, des extravagances dites par des gens
d’esprits, des crimes commis par d’honnêtes gens… voilà les révolutions», écrit
Louis de Bonal à propos de la révolution française. François de Châteaubriand
juge, pour sa part, que «Toute révolution qui n’est pas accomplie dans les mœurs
et dans les idées échoue».

Ayons donc le courage de nous poser la question si nous sommes tous en train
d’œuvrer pour que nos idées évoluent et nos mœurs changent, et soyons attentifs
à ce que ceux qui profitent du changement soient ceux qui l’ont provoqué et non
ceux qui, assis sur leurs chaises, veulent en profiter.