Ces derniers jours, beaucoup de bruit a été fait autour du financement des partis politiques, au point que le PDP a menacé de quitter la Haute instance si le financement des partis par les personnes morales, les entreprises n’était pas autorisé.
Malgré tout, l’encre qui a coulé autour du financement des partis politiques, j’ai été surpris de voir que cette question n’a été abordée que du côté du financé, le parti politique, et non du côté du financeur, la personne physique ou morale.
En effet, un parti politique, pour pouvoir réaliser son programme, avoir des élus dans toute la République et à tous les niveaux, législatives, municipales,… se doit de disposer de moyens financiers importants. Ces moyens ne provenant que des membres et des donateurs, il doit lui être possible de collecter des fonds auprès de «sympathisants» personnes physiques ou morales.
Cependant, même s’il est certain que les donateurs ne financeront que le ou les partis en lesquels ils croient et qui présentent des programmes auxquels ils adhèrent, il est important que lesdits programmes des partis ne soient pas influencés voire dictés par les donateurs.
Maintenant, essayons d’étudier la question du financement du côté du donateur.
Si dans le cas de la personne physique cette donation ne pose pas problème, à notre avis, car toute personne est libre de faire l’usage qu’elle veut de ses biens et de son argent, la question devient plus délicate dans le cas des personne morales: les sociétés/entreprises. Dans ce cas, en ce qui concerne la personne physique, s’il est important de limiter le montant du don qui sera fiscalement exonéré, toute personne devrait être libre de donner autant qu’elle le désire à un parti politique, sans plafond, même si ce montant dépasse le montant exonéré.
En ce qui concerne les sociétés, la question devient plus délicate. En effet, une société est avant tout le fruit d’un investissement commun réalisé par plusieurs personnes, physiques ou morales, publiques ou privées, tunisiennes ou étrangères,… dont l’objet premier est de réaliser des bénéfices et à la condition que les ressources de l’entreprise soient utilisées dans le cadre de l’objet de la société. Il est bien sûr parfois prévu et recommandé que l’entreprise ait des activités sociales, mais il est rarement sous-entendu que l’activité politique fasse partie de l’activité sociale.
Une grande question se pose alors concernant les entreprises qui financent un parti politique et concernant l’approbation de ce financement par les associés. Est-il alors normal que le financement qui serait attribué par une entreprise à un parti politique soit décidé d’une manière unilatérale par l’organe de gestion au risque que certains associés soient fondamentalement contre les orientations de ce parti? Qu’en est-il des entreprises à participation publique, des entreprises à participation étrangères, etc.?
A notre avis, les entreprises publiques, de par le fait qu’elles appartiennent à tous les Tunisiens et de par le fait que les partis bénéficient aussi de financement public, ces entreprises publiques doivent se voir interdire le financement de partis politiques, et ce que ce soit en espèces ou en nature. Ceci permettra aussi d’éviter de nommer à des postes de responsabilité, au sein des entreprises publiques, des partisans qui financeraient sans retenue ou en contrepartie de services rendus le parti politique de celui qui les aura nommés.
De la même manière, cette interdiction de financement des partis politiques par les entreprises publiques devra être élargie à toutes les entreprises à participation publique ainsi qu’aux entreprises ayant bénéficié de fonds publics.
La même question se pose pour les entreprises cotées en Bourse qui peuvent disposer de moyens importants levés sur la place publique auprès de milliers d’actionnaires. Est-il concevable que ces entreprises utilisent lesdites ressources pour financer des partis politiques? Si tel est le cas, faudrait-il dorénavant choisir ses investissements en Bourse en fonction de choix politiques? La décision à prendre devra concerner aussi bien les entreprises cotées en Bourse que leurs filiales qui ont indirectement bénéficié du financement de la Bourse.
D’un autre côté, le législateur a clairement interdit les financements étrangers. L’objectif d’une telle clause est justement d’éviter l’ingérence de parties étrangères dans la vie politique tunisienne. Les entreprises à participation étrangère sont, il est vrai, des entreprises de droit tunisien et ne sont pas considérées comme des entreprises étrangères. Cependant, l’origine de leurs financements fait que, dans le cadre du financement des partis politiques, elles doivent être considérées comme des entreprises étrangères et se voir interdire le financement des partis politiques.
Dans un cadre plus large, qu’en est-il des entreprises en général, qui peuvent avoir, dans leur tour de table, de petits investisseurs, ne faudrait-il pas préserver leurs intérêts? Ne faudrait-il pas accorder le choix du financement des partis et le montant à l’Assemblée générale à elle et elle seule et lui donner la possibilité de le déléguer à l’organe dirigeant?
Les questions restent encore nombreuses, et y répondre n’est pas évident. Qu’en est-il du plafond de financement des partis politiques, est-il de 60.000 DT par donateur, tout parti confondu ou doit-il être de 60.000 DT par donateur et par parti, permettant aux entreprises qui peuvent se le permettre de financer plusieurs partis politiques (ce qui est actuellement prévu pour les personnes physiques dans le projet de texte voté par la Haute instance pour la réalisation des objectifs de la révolution…)? Auquel cas, ne faudrait-il pas rattacher le plafond de donations au chiffre d’affaires à raison, par exemple, de 1% du chiffre d’affaires et à un certain pourcentage du revenu pour les personnes physiques?