Les
grandes lignes du nouveau
Code de la presse sont maintenant à peu près connues,
le projet de décret-loi y afférent ayant été, en principe, soumis aux membres de
la Haute Instance pour la réalisation des objectifs de la Révolution pour une
ultime révision.
De ce nouveau Code, on peut relever certains points en relation directe avec les
fonctions du journaliste, comme «Le renforcement des droits et des garanties
apportés au journaliste en ce qui concerne l’accès à l’information, la
confidentialité des sources, la suppression de la peine privative de liberté en
matière de diffamation …» ou «les opinions exprimées par le journaliste et les
informations qu’il diffuse ne peuvent en aucun cas constituer un motif pour
porter atteinte à l’honneur ou à l’intégrité physique et morale du journaliste».
Evidemment, l’on ne peut que se réjouir à la lecture de ces nouveaux éléments
qui tranchent une fois pour toutes avec les conditions plutôt lamentables dans
lesquelles évoluait le journaliste tunisien jusqu’au 13 janvier dernier. Le
nouveau Code redonne en quelque sorte ses titres de noblesse à une fonction
longtemps malmenée ou tout simplement asservie et assujettie aux caprices des
uns et des autres. Le journaliste du nouveau Code aura donc les coudées franches
dans l’exercice de ses fonctions, soit un acquis inestimable.
Néanmoins, le risque de dérapage n’est pas improbable. Tout le monde a constaté
–notamment le gouvernement provisoire– que depuis le
14 janvier
2011, certaines
plumes se sont éclatées tant et si bien qu’elles ont parfois touché le fond:
brocards de tous genres, insultes, provocations, allégations mensongères et
manipulations gratuites des esprits. A titre d’exemple, on pouvait lire tout
récemment une grosse manchette portée à la une d’un quotidien de langue arabe:
«Le Parti (…) se prépare à la présidence de la République» (sic). Est-ce
logique? Est-ce normal? Est-ce éthique et déontologique d’orienter d’ores et
déjà les esprits vers un parti politique quelconque à deux mois et demi des
élections? Surtout, est-ce démocratique?
De tels agissements (manipulation pure et simple, en principe passible d’une
peine fût-ce symbolique pour parer à toute hémorragie du genre) dénotent tout
simplement le caractère frivole de certains esprits journalistiques incapables
de mesurer l’incidence de leurs bavardages sur une opinion publique très peu
habituée au sens démocratique. Il est vrai que le journaliste n’est pas juste un
perroquet appelé à véhiculer seulement l’information, mais aussi à éclairer
l’opinion publique sur certaines situations; mais de là à manipuler les esprits
pour on ne sait quel intérêt inavoué, c’est anti-journalistique et, surtout,
antidémocratique.
Sachant que toute profession a son propre code éthique et déontologique, il
n’est pas concevable que celle du journaliste l’autorise à outrepasser ses
limites sous le couvert d’un alinéa stipulant que «les opinions exprimées par le
journaliste et les informations qu’il diffuse ne peuvent en aucun cas constituer
un motif pour porter atteinte à l’honneur ou à l’intégrité physique et morale du
journaliste».
Et qui défendra les intérêts de l’opinion publique dans ce cas?