Je disais bonjour à la voisine, et j’ai eu cette petite discussion avec son fils, bachelier, section scientifique, mention bien. Il s’attendait à plus, il n’a pas obtenu ce qu’il voulait, à savoir prépa…
Ma voisine me dit qu’il est complètent déprimé, et qu’il déprime toute la famille avec lui, il ne va même pas à la plage, ni sort avec ses amis, rien, il est dans son coin, et ne parle à personne. Pourquoi donc?! Parce qu’il est très déçu d’avoir travaillé si dur toute l’année, et de n’avoir pas pu obtenir la fameuse prépa…
– C’est pas grave Walid, tu peux prendre autre chose. Qu’est-ce que tu aimes faire toi? Qu’est-ce que tu te vois faire plus tard?
– Ah mais je ne sais pas… quelle question! et comment je peux savoir pour plus tard moi, de toutes les façons, c’est tout raté… j’ai tout raté.
– Mais non ne dis pas ça, tu es intelligent et bosseur, je te connais, tu réussiras là où tu iras….
– Et où ça, je ne sais pas moi, je suis perdu, je n’ai personne pour me conseiller!
– Mais tu es tout le temps derrière ton PVC non? Internet, c’est une révolution à la fin, tu as le monde entre les mains! Comment ça tu ne sais pas ce que tu veux faire plus tard?
– Mais tu fais quoi comme études?
– Physique…
– Tu as déjà essayé de taper “physique“ dans Google et de voir les branches et les disciplines en physique? Les avancées scientifiques, là où on demande du travail, etc.?
– Non franchement non, j’ai jamais fait ça… j’ai pas le temps.
– Tu n’as pas le temps? Mais tu es en vacances non? Tu te lèves à midi, me dit ta mère. Tu fais quoi de ton temps?
Walid n’a aucune conscience de ce qu’il aime ou n’aime pas faire dans la vie, il n’arrive pas à avoir une vision ou une représentation de ce que sera sa vie professionnelle, la question elle-même, lui semble bizarre.
Il a fait des Maths, juste parce que c’est bien vu, c’est prestigieux, ça fait plaisir à papa et maman, et on en parle dans les dîners de famille. Walid est un garçon très intelligent oui, mais dont l’intelligence a été jusque-là très mal exploitée; il n’a aucune ouverture d’esprit, aucune idée sur les débouchés de ses études, sur les débouchés voire sur l’essence même des disciplines qui font sa formation. Il attend que quelqu’un lui montre un chemin, une direction, pour la suivre; il se croit mineur, au sens intellectuel du terme.
C’est dommage pour nous, nous Tunisiens, et c’est d’autant plus de raisons pour réformer en profondeur un système qui cultive une forme d’intelligence, et qui en tue plusieurs autres, surtout celle essentielle, la capacité de réfléchir par soi-même, de prendre des décisions et d’être acteur de sa vie.