Aberrazak Zouari, ministre du Développement régional, s’emploie, chaque fois que l’opportunité lui est donnée, de développer son approche de «la convergence entre les régions», une théorie économique qu’il se propose d’appliquer en Tunisie aux fins de calculer, d’abord, les écarts entre les régions et d’œuvrer, ensuite, à les réduire au maximum (bien à les réduire…). La nuance, ici, est de taille. Car, selon lui, l’«équilibre régional parfait» n’existe pas.
Gros plan sur une vision d’un économiste qui veut se démarquer «de la discrimination positive ou de la politique de rattrapage à l’américaine», solution proposée par la société civile pour mettre fin au déséquilibre régional.
Au commencement, le ministre a vécu ce qu’on appelle «l’apprentissage par le choc». Quelques jours après sa nomination, il découvre une situation peu reluisante des régions. Il ne disposait d’aucun outil statistique crédible pour mesurer leur degré de développement. Les rares chiffres macroéconomiques remontent à 2004, date du dernier recensement. Il n’existe aucune statistique sur le taux de chômage par région, à l’exception de celui du chômage des diplômés (23% à l’échelle nationale, 10% à l’Ariana et 45% Gafsa…).
Autre constat du ministre: un découpage administratif qui avait des relents sécuritaires et ne répondait aucunement à des exigences développementales pérennes. Le pays est réparti, artificiellement, en 24 gouvernorats. C’est trop à ses yeux. L’administration régionale n’obéissait, en plus, à aucun critère crédible ni de décentralisation ni de déconcentration. De manière caricaturale, il y avait un gouverneur qui, tout seul, décidait de tout. Même le conseil régional de développement était à ses ordres (les membres du conseil étant choisis par ses soins).
C’était ce que Abderrazak Zouari appelle «la représentation top down», c’est-à-dire une représentation où chaque ministère avait un représentant régional lequel «passait son temps à téléphoner à Tunis pour recevoir des ordres». Voilà pour le diagnostic.
Côté perspectives, M. Zouari suggère une stratégie en trois points.
Premièrement, il se propose de transposer une théorie économique, «la convergence» -théorie appliquée pour mesurer l’écart entre les pays développés et les pays en développement- au contexte régional tunisien. L’objectif est de calculer l’écart de développement entre les régions du pays et d’accélérer le rythme de leur convergence. Plus simplement, il s’agit de faire rattraper celles qui sont en retard sans prétendre, à son avis, atteindre l’équilibre régional parfait. Pour lui, cet équilibre demeure un idéal, un concept théorique car chaque région dispose de ces spécificités, potentialités et leviers de croissance.
Deuxièmement, M. Zouari recommande l’amélioration de la gouvernance régionale qui signifie, selon lui, «l’implication de chaque citoyen dans les affaires publiques et l’obligation des responsables régionaux de rendre compte de tout ce qu’ils font». L’urgence d’opter pour la bonne gouvernance à la tête des régions est justifiée par M. Zouari par la tendance fâcheuse du pouvoir déchu, ces dernières décennies, à négliger le social et à n’exercer aucun contrôle sur les dépenses publiques au plan régional.
Troisièmement, lors d’un récent forum sur «la transition démocratique et développement régional», organisé par le Centre de réflexion stratégique pour le développement du Nord-ouest (23 juillet 2011), M. Zouari a plaidé pour un dialogue soutenu et continu entre les administrations régionale et centrale, lequel dialogue devrait aboutir à un contrat-programme dont les objectifs seraient financés par le budget de l’Etat.
Par delà cette stratégie, l’essentiel, à notre avis, est d’ouvrir de véritables perspectives de développement durable et renouvelable aux régions de l’intérieur, et, surtout, de sédentariser leurs communautés et d’améliorer la qualité de leur encadrement.
Est-il besoin de rappeler que le nombre des émigrés internes originaires de ces régions ne cesse d’augmenter au fil des années? A titre indicatif, entre 1975 et 2004, la capacité de sédentarisation de la population dans une région économique comme le Nord-ouest n’a été multipliée que de 0,8 contre une moyenne nationale de 1,77.
Moralité: le Nord-ouest est, désormais, une région répulsive où il ne fait pas bon de vivre!