Pourquoi le yen cher appauvrit les entreprises japonaises

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Une femme passe devant une boutique de change (Photo : Jung Yeon-Je)

[04/08/2011 08:56:05] TOKYO (AFP) Les entreprises nippones se plaignaient déjà quand le dollar ne valait plus que 100 yens, mais aujourd’hui qu’il est passé sous la barre des 80 yens, elles suffoquent, incapables de lutter pour rester dans la compétition mondiale, sauf à fuir leur patrie au risque de la ruiner.

“Plus qu’une hausse du yen, il s’agit surtout d’une baisse du dollar”, analyse le gouverneur de la banque centrale du Japon, Masaaki Shirakawa.

Pour les entreprises, peu importe, le résultat est le même: elles souffrent.

Lorsqu’elles font leurs prévisions de recettes en provenance de l’étranger sur la base d’un dollar à 85 yens et d’un euro à 115 yens, si entre-temps la valeur de ces devises s’effondre, le produit de leurs ventes hors du Japon se trouve mécaniquement amoindri lors de la conversion en yens. Plus elles sont puissantes sur les marchés extérieurs, pires sont les conséquences.

De plus, si leurs coûts (achat de composants et équipements, rétribution de main-d’oeuvre, exploitation des installations, charges fiscales) sont essentiellement au Japon et en yens, le renchérissement de cette devise ne leur bénéficie nullement.

Pour sortir de cette impasse et conserver des marges, elles n’ont guère le choix: augmenter leurs tarifs à l’étranger pour rattraper la différence, au risque de perdre en compétitivité au profit des concurrents et de voir leurs parts de marché fondre, ou bien moins exporter à partir du Japon et transférer leurs dépenses dans d’autres pays aux monnaies faibles, autrement dit délocaliser leur production et/ou s’approvisionner auprès de fournisseurs étrangers.

Dans les deux cas, et même si le fait de disposer d’une monnaie forte a aussi quelques avantages (les importations coûtent moins cher, l’acquisition de firmes étrangères est facilitée), l’économie japonaise dans son ensemble est menacée par une désindustrialisation, une dégradation du marché de l’emploi, une baisse de la consommation intérieure et un risque de déflation.

Pour être plus fortes à l’échelle internationale malgré les accès de fièvre du yen, les entreprises doivent faire cause commune, juge Mamoru Suzuki, analyste de Mizuho Securities.

Au prix de diverses restructurations douloureuses, “les firmes nippones ont réussi à éliminer les trois excès dont elles souffraient précédemment: excès de capacités de production, de main-d’oeuvre, de financement, mais reste que le nombre d’entreprises lui-même est excessif”, argue-t-il.

Seules, beaucoup ne sont pas assez solides pour lutter au niveau international lorsque s’accumulent autant d’obstacles: conjoncture mondiale morose, concurrence exacerbée, fluctuations erratiques des monnaies et convalescence du Japon après le séisme du 11 mars qui a dévasté le nord-est industriel et force à des économies d’énergie.

Comme trois entreprises nippones sur quatre, le gouverneur de la Banque du Japon a dit jeudi “craindre une fuite d’une partie des activités à l’étranger”.

Conscients des limites de l’action des pouvoirs publics face à la flambée du yen, les entrepreneurs japonais attendent d’autres mesures pour les aider à en supporter le poids, comme des baisses d’impôts, des assouplissements réglementaires, des accords commerciaux et un approvisionnement suffisant et stable en énergie.

Les autorités ont paré jeudi au plus pressé et lancé un avertissement aux spéculateurs en agissant sur le marché. Mais ce type d’intervention a un impact ponctuel et limité, surtout lorsqu’elle est effectuée de façon unilatérale. D’où les décisions monétaires parallèles de la banque centrale du Japon (BoJ) pour en prolonger la portée via une extension des mesures d’assouplissement monétaire.

Rejoignant le point de vue du gouverneur de l’institut d’émission, Koji Fukaya, analyste de Credit Suisse, estime cependant que pour espérer un vrai affaiblissement du yen face au dollar, il faut “attendre une amélioration de la santé économique des Etats-Unis”.