Le temps presse. Les citoyens s’interrogent. La société civile s’organise. Les partis politiques sont déjà en campagne. Le pays profond retient son souffle. Les chronos s’affolent. Le jeu de l’oie vers le pouvoir bat son plein. Et l’Instance Supérieure Indépendante pour les élections (l’ISIE) accuse un déficit pédagogique flagrant. Peine à mettre en place la structure administrative, chargée de l’exécution technique de l’opération électorale. Accorde un service minimum à la presse. Subit les avanies du traitement des affaires courantes. Tergiverse dans ses décisions. Et vient de perdre la face. Avec la récente nomination d’un cadre supérieur, contesté Place Mohammed Ali, en raison, affirme une source à la centrale syndicale, de son affiliation à l’organisation patronale (UTICA) et de ses activités économiques liées à la sous-traitance, symbole, d’après l’UGTT, du capitalisme sauvage et outrancier.
Là, on tombe un peu de l’armoire, quand même! Une affaire aussi cocasse que stupide. Mal emmanchée dès le début, nous dit-on. Car, affirment certains observateurs, les membres de l’ISIE, des militants politiques pour la plupart, enserrés dans les pressions de leurs écuries respectives, n’arrivent pas à anticiper les réactions de l’Agora, à accorder leurs violons, à homogénéiser leurs positions face à l’expertise étrangère, à se débarrasser du carcan de la méfiance, de la défiance, à promouvoir des rapports de confiance avec le personnel de la fonction publique, partenaire incontournable dans la transition démocratique et à réaliser l’urgence de traiter l’aspect administratif et logistique du processus électoral, selon les normes internationales en vigueur.
«L’administration technique, une structure de cadres professionnels au cœur de l’intendance de l’ISIE, dont les effectifs doivent atteindre, d’après les instances spécialisées, 150 managers, rompus à la mobilité et aux enjeux de la bonne gouvernance, est appelée à s’acquitter de tous les achats liés à l’opération électorale, à assurer l’implantation des urnes et des isoloirs, à entretenir la liaison avec les observateurs nationaux et internationaux, à faciliter le travail des journalistes, à mettre en place le système du badging, à se consacrer à la mise à jour des listes électorales (ce que fait actuellement le CNI), à gérer, durant le première semaine du mois de septembre, les milliers de candidatures amarrées aux partis politiques et aux listes indépendantes et à engager, en collaboration avec l’Instance nationale indépendante pour le secteur de l’information et de la communication, la répartition des temps d’antenne entre les différentes formations politiques en lice», nous dit un expert tunisien lié aux instances onusiennes (PNUD), pour qui le déroulement serein du scrutin du 23 octobre 2011, la gestion des résultats de la Constituante, la mise à jour du site web de l’ISIE, le comptage des voix, la réactivité immédiate aux désidérata des uns et des autres, la campagne de sensibilisation et d’information à l’intention des citoyens et la coordination avec toutes les associations, engagées dans le processus électoral, suppose une structure administrative performante, moderne, opérationnelle, à même d’assumer, dans l’indépendance et la transparence, sous le contrôle de l’Instance Supérieure Indépendante pour les élections, toutes les tâches colossales à venir.
Au fait, dans une conférence de presse consacrée à l’accréditation des observateurs tunisiens et étrangers, Kamel Jendoubi, président de l’ISIE, a émis l’espoir de disposer, après le 14 août 2011, d’une base de données réactualisée, ajustée et propre des électeurs tunisiens, admis le retard enregistré dans la mise en place de l’administration technique et confessé son désarroi face à une situation qui l’oblige à choisir des cadres chez une fonction publique, dit-il, infestée de responsables liés à l’ancien régime ou à se rabattre sur le secteur privé, dont les émoluments des managers sont hors de portée des finances de l’ISIE.
In fine, notre interlocuteur ne se cache pas derrière son petit doigt. Il affiche ses appréhensions idéologiques. Il décide donc d’avancer à pas de chat. En laissant, chaque fois que c’est possible, plusieurs options ouvertes. Et les prodromes du blocage sont là. Car le pays joue son destin, me dit un confrère éberlué, et les membres de l’ISIE, prisonniers des grilles de lecture d’un autre âge, voient des infiltrés partout et n’arrivent pas à intégrer le statut des fonctionnaires tunisiens, ces commis de l’Etat au service de la République et non des personnes, qui ont appris, dès l’indépendance, à ravaler leurs colères, à lire les rapports de force ambiants et à gérer leur carrière dans un milieu politique instable. Pour enserrer. Réguler. Survivre. Et durer… Un vrai travail de Titan. Eh! Oui… Voici une réalité dépouillée de ses apparences et affabulations.