La zone euro vers une nouvelle crise

Par : Autres

Les turbulences que traversent les marchés de capitaux depuis l’été 2007 et leur
intensification depuis la mi-septembre 2008 ont eu de lourdes conséquences pour
l’économie mondiale (1). Même si le marché américain des prêts hypothécaires à
haut risque est la cause immédiate de ces turbulences, les marchés de capitaux
et les institutions financières de la zone euro ont pris part au cycle prolongé
du crédit observé ces dernières années et ont subi de plein fouet l’aggravation
des tensions sur les marchés de capitaux. C’est la première crise financière que
connaît la zone euro. Aujourd’hui, la priorité pour tous les pays membres est de
trouver des solutions à la crise financière et de les mettre en œuvre
rapidement.

Crise financière dans la zone euro

Face à cette crise, l’Union européenne a pris des mesures de grande ampleur en
mettant un plan de stabilisation financière d’un montant de 750 milliards
d’euros sous la forme de prêts et de garanties (2). La zone euro s’est donné
ainsi les moyens de soutenir si nécessaire tout état membre confronté à de
graves difficultés de financement. De son côté, le fonds monétaire international
(FMI) s’est engagé à abonder l’éventuel soutien européen à hauteur de la moitié
de son montant. Enfin la Banque centrale européenne (BCE) a appuyé le dispositif
par l’achat des titres de dettes publiques et privées de la zone euro.

En conséquence, les pays touchés de la zone euro devront durablement convaincre
de leur solvabilité par un assainissement crédible de leurs finances et aussi
par des réformes en faveur de leur croissance économique. En effet, la crise
qu’affronte la zone euro actuellement est une crise des dettes publiques. Après
la Grèce, c’est l’Irlande qui est menacé et prochainement, d’autres pays comme
le Portugal, l’Italie, l’Espagne et le Royaume-Uni auront le même sort.

Le plan de redressement des finances publiques grecques tarde à venir et la
crainte d’une contagion à l’ensemble de la zone euro s’accroit de jour en jour.
Dans ce contexte, les analystes doutent encore de la capacité de la Grèce à
assainir ses comptes et à faire face à ses obligations financières (le paiement
de la dette et les intérêts) et par la suite à redresser son économie. Elle a
donc dû appeler à l’aide ses partenaires européens et le FMI qui se sont engagés
à lui prêter 110 milliards d’euros sur trois ans. En contrepartie, la Grèce
devra mettre en œuvre, sous le contrôle étroit de ses nouveaux créanciers, un
assainissement budgétaire drastique.

Toutefois, ce plan de sauvetage en faveur de la Grèce n’a pas empêché la
défiance d’une propagation à d’autres états européens (Portugal, Espagne,
Irlande et Italie).

– Le cas de la Grèce

La crise grecque a cruellement dévoilé une autre faiblesse de l’édifice
budgétaire de l’union monétaire : le manque de contrôle de la politique
budgétaire des états membres. En effet, ce système n’a pas empêché la Grèce de
s’introduire dans la zone euro en faisant de fausses déclarations sur les
chiffres de sa dette publique et de son déficit budgétaire. Le système n’a pas
non plus empêché le gouvernement grec de tromper à nouveau Bruxelles en 2009 en
déclarant un déficit budgétaire situé entre 6 et 7% alors qu’il avoisinait en
réalité les 13%.

– Le cas de l’Irlande

Le déficit de l’Irlande vient des créances pourries des banques qui ont été
prises en charge par l’état. Plusieurs raisons expliquent les difficultés
actuelles de l’Irlande. Premièrement, le coût du renflouement des banques
irlandaises s’élève à 70 milliards d’euros. Ce qui représente la plus grande
proportion de dette/PIB au monde. De plus, les prévisions de croissance ont été
revues à la baisse (–1,1%) au lieu des 2,5% prévus initialement pour 2011. Or,
la croissance économique est nécessaire pour rembourser la dette.

La monnaie européenne est-elle une force ou une faiblesse?

La mise en place de l’euro a permis d’éviter aux pays membres que leur monnaie
soit attaquée sur les marchés financiers et le risque d’être obligés de la
dévaluer. Elle s’est accompagnée de la mise en place du pacte de stabilité qui
oblige les gouvernements à respecter des limites à leur déficit et à leur
endettement. En effet, afin de répondre essentiellement à la crainte de dérapage
des déficits budgétaires, le traité de Maastricht a mis en place une procédure
destinée à éviter les déficits excessifs. Ainsi, la dette publique ne doit pas
dépasser 60% et le déficit public annuel est plafonné à 3% du produit intérieur
brut national. Dans ces limites, chaque pays a toutefois conservé sa politique
économique et budgétaire. Certains analystes estiment même que la protection de
l’Euro a pu favoriser chez certains gouvernements une politique économique et
budgétaire laxiste, aux dépens de l’ensemble de la zone.

Les faiblesses de l’organisation économique de l’UE

Dans la crise économique mondiale qui touche aujourd’hui massivement l’Europe,
les faiblesses de l’organisation économique de l’union sont à nouveau apparues.
Tant face à la crise financière que face à la crise économique, les états
européens ont réagi de manière individuelle et sans concertation et parfois ont
pris des positions opposées. La BCE et les gouvernements européens ne trouvaient
pas la combinaison appropriée entre politiques monétaire et budgétaire car
l’union européenne n’a pas de centre de décision de politique économique capable
de fixer et de coordonner la politique budgétaire des états membres.

Seul un rééquilibrage de l’union économique et monétaire (UEM), à travers
l’instauration d’un gouvernement économique européen et d’une réforme de la
concurrence entre les états, permettra de surmonter réellement la crise. En
effet, la mise en place d’un gouvernement économique européen permettrait
d’inciter davantage les états membres à mettre en œuvre la «Stratégie UE 2020»
après l’échec de la «Stratégie de Lisbonne». Certes, l’union européenne en est
arrivée à envisager la création d’un fonds monétaire européen (FME) qui permet
l’achat des obligations d’un pays en crise. Toutefois, Il n’existe pas encore de
projet harmonisé mais plutôt deux propositions qui semblent retenir l’attention
des européens (Financial Times Deutschland, 11 mars 2010).

Un projet, présenté par Daniel Gros et Thomas Mayer le président du Deutsche
Bank, prévoit la création d’un fonds alimenté par des pénalités que les pays
déficitaires auraient à verser lorsqu’ils dépassent les limites d’endettement
prévues par les critères de Maastricht. Les pays ayant au préalable financé le
FME pourraient ainsi, lorsqu’ils sont confrontés à une crise d’endettement,
recevoir une aide indirecte.

Le ministère allemand des Finances travaillerait sur une deuxième variante du
FME se rapprochant du modèle du FMI. Dans cette variante, tous les pays membres
cotiseraient au fonds en fonction de leur puissance économique. En cas de crise,
le pays concerné et membre du FME pourrait disposer de crédits s’il adopte un
programme strict d’ajustement. Certains membres de la BCE ont exprimé de
sérieuses réserves à l’encontre de cette idée parce qu’ils y voient une
invitation faite aux états menacés de déficit à s’endetter davantage. Ce qui
rend les projets du FME contre-productifs.

Quelle sortie de crise dans la zone euro

Afin de définir une politique commune de sortie de crise, Jamet (2008) propose
deux solutions:

– La réforme de la gouvernance de la zone euro qui doit se reposer sur les
fondements suivants : la supervision de l’endettement privé, l’internalisation
de la règle budgétaire dans le droit des états membres et l’adoption de
positions communes sur les déséquilibres économiques internationaux.

– La définition d’un programme commun de réformes structurelles en vue de
remplacer la stratégie de Lisbonne.

Cette analyse montre qu’il est temps de réfléchir à un projet de transformation
sociale passant par la réglementation des marchés financiers, la croissance
économique afin de combattre le chômage et le développement des services. Pour
ce faire, deux solutions seraient envisageables: une autorité unique de
supervision financière pour l’union européenne ou un système européen
d’autorités de supervision financière comportant un organisme central
collaborant avec les organismes nationaux.

L’Union européenne devrait profiter de la crise grecque pour réparer les défauts
structurels de l’union économique et monétaire issue du traité de Maastricht en
instituant un gouvernement économique européen. Non seulement la création d’une
telle institution permettrait d’éviter les crises de la dette, mais elle aurait
en outre l’avantage de doter l’UE d’un instrument de politique budgétaire qui
lui permette de conduire une politique conjoncturelle cohérente. Il faut aussi
réfléchir sur une interdiction de certains instruments financiers comme la vente
à découvert ou les credit default swaps (CDS) afin de limiter la spéculation des
marchés financiers. Enfin, la création d’un FMI européen pourrait aider à
combattre les crises d’endettement.

*Maître de conférences, Ecole Supérieure de Commerce de Tunis, Université
Manouba

(1) The impact of the financial crisis on the global economy: Can the Islamic
financial system help?, Journal of Risk Finance, 12(1), pp. 15-25, (2011).

(2) The Euro-Zone; is it the crisis ahead!, EuroEconomica, 28(2), (2011).