à Finowurt, près de Berlin, le 8 août 2011 (Photo : Robert Schlesinger) |
[14/08/2011 09:50:45] FINOWFURT (Allemagne) (AFP) Des hamacs sous les arbres, des effluves de marijuana et des ordinateurs portables en vrac: à Finowfurt, la crème des pirates informatiques tient son camp d’été, troublé par des divisions nées de l’affaire WikiLeaks.
Du 10 au 15 août, l’influente association allemande de “hackers” Chaos Computer Club (CCC) a planté tentes et câbles sur une ancienne base aérienne soviétique devenue musée, non loin de Berlin.
Lors de la précédente édition il y a quatre ans, le camp avait accueilli jusqu’à 2.300 personnes, cette année “on attend jusqu’à 3.500, de 50 nationalités”, dit Frank Rieger, porte-parole du CCC dont l’une des devises est “Protèger les données privées, exploiter les données publiques”.
Entre les carcasses d’avions, une foule jeune et très majoritairement masculine fait sagement la queue devant les douches ou les stands de café. Des enfants jouent avec des fers à souder, une tente arbore le symbole “Peace and Love”.
Pas de macramé ou de poterie, mais un atelier “Fabrique ton compteur Geiger”, dans l’air du temps alors que l’Allemagne va abandonner l’énergie nucléaire, et des conférences pour matheux sur l’art de crypter les données.
Les hackers, nouveaux hippies? La question fait sourire Jérémie Zimmermann, de l’association française de défense des droits et libertés sur l’internet “La Quadrature du Net”.
“J’ai donné ici une conférence intitulée +Cyberpeace and Datalove+”, s’amuse-t-il.
“Les hippies ne racontaient pas n’importe quoi. Mais les hackers sont très individualistes et ne se laissent pas mettre dans des cases”, avertit toutefois Frank Rieger.
L’Allemand, membre d’une association célèbre pour avoir piraté en 2008 l’empreinte digitale du ministre allemand de l’Intérieur, et le Français, qui a bataillé contre les lois françaises sur le téléchargement illégal, se disent partisans de la “non-violence numérique”, avec des bémols.
à Finowurt, près de Berlin, le 8 août 2011 (Photo : Robert Schlesinger) |
“Je ne trouve pas légitimes les modes d’action illégaux”, dit Jérémie Zimmermann, en précisant: “Mais Anonymous et LulzSec ce n’est quand même pas du terrorisme, tout au plus du vandalisme”.
Sous ces noms agissent des pirates qui ont lancé récemment des attaques spectaculaires contre l’Etat syrien, la CIA ou encore Sony.
Mêmes nuances devant la tente Electrolab, d’où émergent des visages ensommeillés.
“Ce que nous refusons, c’est l’obscurantisme technologique”, dit Yannick Avelino, membre de cette association française de vulgarisation qui travaille notamment sur les moteurs électriques.
“Nous avons choisi la voie légale”, assure Samuel Lesueur, président d’Electrolab. “Mais en dehors de l’association, chacun fait ce qu’il veut.”
Même si le porte-parole du CCC parle de “communauté”, les divisions existent dans la mouvance hackers, surtout depuis la diffusion retentissante de dépêches diplomatiques par le site WikiLeaks.
Daniel Domscheit-Berg, ancien membre de WikiLeaks devenu ennemi juré du fondateur Julian Assange, a lancé une version concurrente baptisée OpenLeaks, et mis au défi les pirates réunis à Finowfurt d’y trouver des failles.
“Il veut nous utiliser pour donner un gage d’authenticité à son projet. Cela nous agace prodigieusement”, reconnaît Andy Müller-Maguhn, proche de M. Assange et figure du CCC.
“Mais ce n’est pas notre première tempête”, relativise-t-il, rappelant que dans les années 1980 le CCC avait connu une grave crise après la vente par l’un de ses membres de données aux services secrets soviétiques.
“Par essence, notre mouvance est ouverte. Mais il faut parfois tirer la sonnette d’alarme”, dit le hacker, dont la chemise bleue bien repassée et la serviette en cuir tranchent sur les T-shirts noirs et les baskets terreuses des autres pirates.
Car les participants au camp ne sont pas toujours animés de nobles intentions. Un jeune homme croisé à l’entrée, qui préfère rester anonyme, raconte avec un air dépité: “Je veux pirater la webcam de ma copine pour l’espionner. Mais je n’ai trouvé personne pour m’expliquer comment faire.”