On peut dire que la polémique suscitée autour de l’émission de Me
Abdelfattah Mourou sur Hannibal TV a tout de même servi à remettre –du moins théoriquement,
pour le moment– les choses en place. En effet, l’Instance nationale pour la
réforme de l’information et de la communication, en coordination avec la Haute
instance pour la réalisation des objectifs de la révolution et le Syndicat
national des journalistes tunisiens, est en passe de proposer un décret-loi
interdisant la publicité politique à la télévision.
Rappelons tout de même que l’émission objet de la polémique est d’ordre
religieux mais animée par une figure politique connue de tout le monde.
Autrement dit, l’émission n’est que bourrage de crâne politique et propagande au
service d’un parti beaucoup plus qu’au service de la religion musulmane. C’était
clair et nombre de téléspectateurs ont réagi farouchement en demandant à leurs
concitoyens sur le réseau
Facebook le boycott pur et simple de la chaîne
Hannibal. Ce à quoi le patron de la chaîne en question aurait rétorqué: «C’est
MA télévision et j’en fais ce que je veux». Visiblement, le patron d’Hannibal
ignore complètement que dès que la chose est devenue publique, elle cesse d’être
privée. Par conséquent, elle doit forcément obéir à toutes les règles
déontologiques et éthiques. On ne devient pas directeur d’un journal privé pour
se mettre à insulter le monde au prétexte que c’est un journal privé. C’est le
non-sens poussé jusqu’au ridicule.
On voudrait citer ici un autre exemple, non pas identique, mais qui va dans le
même sens despotique. C’est une jeune fille qui, il y a environ deux semaines,
s’est écriée sur le même réseau Facebook pour dénoncer les agissements de son
directeur, patron d’un journal quotidien, qui «change de voiture de luxe tous
les cinq mois, mais déclare à ses journalistes être en faillite, donc incapable
de servir les salaires de ces derniers». A vrai dire, le type en question est
connu: il recrute des jeunes sortis fraîchement de l’IPSI, les paie 200 à 250
dinars le mois, et, au bout de quelques mois, leur déclare sa prétendue faillite
pour les mettre à la porte sans verser le moindre dinar.
Ces deux cas ne peuvent que remettre en question et en cause l’autorisation
donnée par l’Etat à des demandeurs de journaux ou autres médias. Le constat est
très curieux: on ne peut pas devenir enseignant si on ne l’est pas; on ne peut
devenir médecin si on ne l’est pas; on ne peut devenir pharmacien si on ne l’est
pas; mais tout le monde, même l’épicier du coin, peut devenir patron de presse
s’il en exprime le vœu et entreprend toutes les démarches nécessaires.
C’est pour dire que la profession de communicateur a été marginalisée et
banalisée depuis des lustres déjà. Le directeur de journal cité dans le 2ème
exemple était un simple petit comptable, le voilà devenu patron de presse et
même un bourreau poussant ses sujets à la misère et à la faim après les avoir
exploités à fond. A qui incombe la faute?
Comme vous le savez, depuis le 14 janvier dernier, de nombreuses autorisations
de lancement de journal ont été accordées. Soit. Mais quel est le profil de ces
nouveaux et futurs patrons de presse? Nous en savons quelque chose. En voici un
échantillon: dans la région de l’Ariana, un patron d’une entreprise spécialisée
dans le bâtiment et de taille plutôt moyenne, a sollicité, par l’intermédiaire
d’un journaliste connu, un visa de lancement d’un journal mensuel. Il l’a
obtenu. Mais comme c’est lui le bailleur de fonds et le financier principal et
unique, c’est son mot à lui qui fait autorité. Imaginez donc un esprit qui
fonctionne en termes de ciment, de chaux, de sable et de fer de 12, qui va
diriger la ligne éditoriale d’un journal d’informations générales!! Voilà
jusqu’où est tombée l’information chez nous.
Tout cela pour dire que l’Instance nationale pour la réforme de l’information et
de la communication se devrait, en même temps qu’elle va interdire toute forme
de publicité politique dans les médias, d’interdire l’octroi d’autorisation de
création de journaux à toute personne n’ayant rien en rapport avec la profession
et la corporation. Quand vous remettez un couteau entre les mains d’un bébé
inconscient, vous ne devriez plus le gifler pour avoir blessé les gens. Car
c’est vous, dans ce cas, le vrai coupable!