En politique, disait le Führer, il faut avoir l’appui des femmes, les hommes vous suivent tous seuls. Bourguiba, ce monument d’audace et de souveraineté, sans avoir de la sympathie pour le national-socialisme, a fait sien ce credo. A créé le label. Bousculant les tabous et les machistes. Les récalcitrants et les frondeurs. Et depuis lors, la Tunisie agitait à la face du monde son exception. Sa singularité. Sa sanctuarisation. En matière d’égalité des genres. De promotion de l’éternel féminin. Totalement désinhibé. Dans une aire arabo-musulmane fondamentalement patriarcale, encore clanique et rebelle aux mutations sociales brusques.
L’homme du 7 Novembre s’est engouffré dans la brèche. A continué à asséner à l’opinion publique une balourde propagande féministe. A caricaturé l’œuvre de son prédécesseur. A coup de lois. De décrets. De phrases mielleuses. D’effets d’annonces. De sentences. Dans la société médiatique du flash. Du zoom. En faisant du faire-valoir. Du fétichisme. De l’alibi. Tous azimuts. Et la date du 13 août est devenue la journée de la bonne conscience par excellence. Celle où il est de bon ton de célébrer le régime. La première dame. Et «la femme». Les festivités sont devenues, chaque année, un exercice obligé. Un acte d’allégeance. D’adhésion. D’unanimisme. S’y soustraire relève du crime de lèse-majesté. De l’infamie. Du sacrilège. De la dissidence. Car, aussi longtemps qu’il y avait de la musique, nous dit un ancien apparatchik, il fallait continuer à danser. A faire bella figura.
Aujourd’hui encore, en dépit des événements, qui ont succédé au triomphe de la révolution de la liberté et de la dignité, la machine médiatique demeure rôdée. Il faut continuer à montrer patte blanche. Et le vrai match va commencer maintenant. C’est fini les entraînements d’antan. Tout est en place. Les sondages, déjà prêts. Sur la difficulté d’être une femme. Sur les valeurs de la femme. Sur les réalisations de la femme. Sur ses percées. Sur les menaces qui pèsent. Qui hantent. Qui planent. Au fait, comme chaque année, il fallait faire flèche de tout bois pour mobiliser dans le jeu social de la coopération et du conflit. Mais cette fois-ci, c’est la hargne, la rogne et la grogne. Pour pouvoir se remettre en selle. Dans de nouveaux rapports de négociations. Loin des tuteurs. Tout puissants.
Finalement, les voix étaient, comme d’habitude, à l’unisson. Puisque les mêmes citations reviennent aux bouches des speakers. Des leaders d’opinion. De la puissance publique. Les slogans nunuches persistent. Les politiques se positionnent. Participent à la fête. Avec des photos. Pour immortaliser l’instant. Qui sait? Cela peut servir…Eh! Oui…Les légendes ont la vie dure. Les hommes ont dû s’émouvoir, avec des larmes de crocodile, sur le sort des femmes. Dans un contexte politique manichéen. Tendu. Propice aux rumeurs. A l’intox. Où l’agitation du chiffon rouge islamiste fait merveille. C’est la pêche aux dons. Aux votes. Haro donc sur les bastions qui résistent. Sur les inégalités. Sur la société machiste. Sur le mâle prédateur.
C’est assurément le règne de la passion. De l’idéologie. Comme au bon vieux temps des harangues. De la duperie. Or, la femme tunisienne gagnerait à soustraire sa cause du champ partisan. Car ses problèmes sont ceux de la société entière. Qui aspire à défendre, à l’aune de la révolution de la liberté et de la dignité, les valeurs d’ouverture à l’autre, d’engagement dans la cité et de fondement du collectif. Des paradigmes qui renvoient au vivre-ensemble, c’est-à-dire, aux conditions de l’avenir, de l’engagement durable dans la vie de la cité… Des valeurs de long terme par opposition au temps court de la politique. De la décision politique. On voudrait voir la femme tunisienne associée au long terme. A l’urgence du long terme.