Endettement : face à la cigale américaine, la fourmi chinoise

photo_1313565511605-1-1.jpg
ût 2011 à Pékin (Photo : Mark Ralston)

[17/08/2011 07:20:09] PEKIN (AFP) Contrairement à la cigale américaine qui vit, comme son pays, très largement à crédit, la fourmi chinoise est assise, comme son pays, sur un épais matelas d’épargne et abhorre l’idée même d’endettement.

Des Etats-Unis à la Chine, les habitudes de consommation sont diamètralement opposées: le Chinois est le champion mondial de l’épargne. Hélas pour Pékin qui aimerait voir la consommation prendre le relais des exportations comme moteur de la croissance.

Encouragés par leurs médias qui s’en donnent à coeur joie ces jours-ci contre l’Oncle Sam “perclus de dettes” ou se demandent avec jubilation “ce qui ne tourne pas rond en Occident”, les Chinois regardent de haut ces Américains qui dépensent l’argent avant de l’avoir gagné.

La Nation de la fourmi est prêteuse, ce n’est pas sa moindre qualité: elle finance les gigantesques déficits américains en achetant des bons du Trésor. Mais tout de même.

Tout en faisant ses courses, le Pékinois Zhao Kai peste contre ces Américains “qui nous pourrissent la vie” et leur conseillerait de “n’acheter que ce qu’ils peuvent payer”.

photo_1313565512246-1-1.jpg
é de banque chinois compte des dollars set des yuans le 20 août 2010 à Pékin

Car comme une majorité de Chinois, Zhao “n’aime pas les dettes”. L’endettement des ménages chinois ne représentait que 17% de leur revenu, contre 136% pour les américains l’an dernier, selon le magazine Forbes.

“Contrairement à l’Américain qui vit à crédit, le Chinois, quand il gagne 100 yuans, en épargne entre 25 et 30”, explique à l’AFP Wang Qing, responsable à la China International Capital Corporation, une institution financière.

L’insuffisance de couverture maladie, de retraite et l’enfant désormais unique qui ne peut pas, seul, prendre en charge ses vieux parents, militent en faveur de gros bas de laine. L’épargne des ménages chinois s’élevait ainsi fin juin, selon la banque centrale, à 3.627 milliards d’euros, soit 2.790 euros par habitant.

Les cartes de crédit ne sont apparues que dans les années 1990 en Chine. “Seulement 5% des Chinois ont des cartes de crédit, ce qui fait une grande différence avec les Etats-Unis où 60% de la population en a une, ou plusieurs”, estimait le consultant McKinsey fin 2009.

La carte de crédit n’autorise pas les Chinois à flamber pour autant.

“Il ne faut pas en abuser, sinon on devient esclave”, déclare Li Yingsong, chef d’entreprise. “Le paiement en liquide c’est mieux: si on n’a pas d’argent on ne consomme pas”. “C’est culturel. Les Chinois ne dorment pas bien s’ils ont des dettes”, explique Shen Lingling, directrice de Caishang Wealth, société de conseil financier.

Très peu de magasins proposent des paiements échelonnés et les Chinois préfèrent acheter cash. “On a les espèces en main, ça donne un sentiment de sécurité”, explique Cao Yang, une traductrice, “les gens autour de moi n’utilisent pratiquement pas le crédit”.

Dans la ville de Qingdao (nord-est), un Chinois avait fait sensation en achetant en 2009 en liquide un immeuble de 8,7 millions d’euros. A Pékin, des concessionnaires de voitures de luxe voient parfois débarquer des clients qui s’offrent un bolide avec des valises de billets.

Mais aujourd’hui, les Chinois sont obligés de faire une entorse à leurs principes. La flambée de l’immobilier pousse beaucoup de citadins à s’endetter et à engloutir parfois plus de la moitié de leur salaire dans les remboursements d’un crédit.

Par ailleurs, une jeunesse chinoise en voie d'”américanisation” est en train de faire évoluer les moeurs: les “yue guang zu”, littéralement “la tribu qui dépense tout son salaire mensuel”. Contrairement à leurs parents sous Deng Xiaoping et grands-parents sous Mao Zedong, ils profitent de la vie avec insouciance. “La plupart de mes amis à Pékin sont des ‘yue guang zu'”, dit Cao Yang, la traductrice.

“Ce sont des enfants uniques, ils n’ont jamais manqué d’argent, alors ils dépensent sans réfléchir”, déplore Shen Lingling.

Quitte à se trouver, comme les Américains, fort dépourvus quand la bise sera venue.