Oui, on dirait le titre d’une thèse. Plusieurs explications et paramètres
peuvent expliquer le
chômage des jeunes diplômés, chez nous. Principalement la
qualité de l’enseignement, depuis le primaire jusqu’au supérieur. Des paramètres
culturels, comme la question de la dignité des métiers intellectuels par rapport
aux métiers manuels. Hichem Djaït pense qu’il «n’existe pas de dignité du
travail chez nous», tout court. Aussi simple que cela. Et donc l’emploi, ce
n’est pas que des variables objectives, des ratios d’ordre économique
(investissement, charges patronales, politique fiscale, etc.). Non…
Je vais m’intéresser à présent à un paramètre, plus d’ordre psychologique que
culturel. La vanité. Eh oui! Sinon comment qualifier un jeune fraîchement sorti
de l’université et qui négocie son salaire, et son contrat, avant de prouver ses
compétences. Si compétences il y a. Un jeune qui, pendant son parcours scolaire,
rechigne à faire les exposés, à passer l’oral, parce qu’il «ne peut pas
maintenant», ou «qu’il n’a pas envie»…?
Ca n’existe pas? Bien sûr que ça existe, de plus en plus fréquemment, et c’est
une enseignante qui vous le dit.
Comment qualifier des jeunes qui préfèrent le chômage à des métiers soi-disant
mal payés? Reste à définir le «mal payé»… Est-ce que le jeune de 16 ans en
France ou aux USA, qui va travailler tout le week-end pour se payer une soirée
entre copains ensuite…, pense qu’il est mal payé? Est-ce que ce jeune qui,
après le bac, va consacrer un an ou plus au travail, pour gagner de quoi se
payer des études supérieures…, pense qu’il est mal payé? En tout cas, il n’a
aucune honte de travailler, il n’a pas cette vanité de nos jeunes… Sans
généraliser bien sûr.
Nos jeunes préfèrent charrier leurs parents pour avoir de l’argent de poche,
emprunter la voiture, sortir avec les copains, frimer, se coucher à l’aube et
dormir jusqu’à midi. Des jeunes qui décident à la rentrée de reprendre des
études, de faire des mastères…
C’est fou le nombre d’étudiants en mastère en Tunisie! Et c’est fou comme le
mastère perd de sa valeur! Comparez au hasard un titulaire d’un mastère et un
titulaire d’un DEA (ancien régime) et vous verrez….
Ca n’existe pas ça? Bien sûr que ça existe! C’est même très courant. Une
certaine culture postrévolutionnaire, d’adultes, enfants tout puissants aidant.
Un enfant tout puissant étant ce profil d’enfant gâté, qui n’a pas appris des
règles chez lui, dont les parents font partie de cette première génération de
diplômés en Tunisie, et qui ont bien réussi socialement, tellement bien réussi
qu’ils ont tout fait pour éviter la misère, l’altérité ou, disons, la vérité de
la vie, à leur progéniture.
Un enfant à qui on n’a jamais dit non, de peur de lui foutre des complexes…, qui
faisait des scènes en se roulant par terre, pour que papa et maman lui achètent
“le jouet du siècle“, et qui croit qu’il peut en faire de même en société.
Sauf qu’en société, les règles ne sont pas les mêmes; en société, on apprend que
la vie est dure, qu’il faut travailler pour vivre, et qu’il faut se battre pour
travailler. Et non ce n’est pas un discours ultra libéral.
Le chef d’entreprise ne recrute pas, du moins pas de façon stable, parce qu’il
ne voit pas de compétences. Il ne voit pas la valeur ajoutée que la personne en
face de lui peut lui apporter, contre une garantie de sécurité qu’est un contrat
et un salaire. Il ne voit pas cette envie d’apprendre, d’avancer. Il a en face
une personne, qui croit avoir atteint le sommet de la connaissance, avec un bac
plus trois. Or nous savons tous, universitaires et chefs d’entreprise, que le
doctorat lui-même ne vaut plus grand-chose, et que les compétences réelles
deviennent de plus en plus rares.
Mais, en plus de la rareté de la compétence (variable explicative), il y a la
vanité (variable de contrôle) et qui vient renforcer la relation causale qui
explique -en grande partie- le chômage des jeunes diplômés (variable expliquée).