Les dérapages, ces jours-ci, de la justice, tout comme ceux du politique, de la
police et des médias, inquiètent plus d’un Tunisien et font planer doute et
scepticisme, à deux mois de l’élection de la Constituante. Pourtant, à regarder
de près, beaucoup d’acquis accomplis autorisent espoir et sérénité. Les
Tunisiens et Tunisiennes n’ont pas chômé, depuis la révolution du 14 janvier.
Ils ont fait du bon travail en ce sens où ils ont mis en place des garde-fous
propres à dissuader non seulement tout retour en arrière mais également toute
tendance totalitariste qui serait tentée d’imposer ses thèses. Conséquence: il
n’y a pas de quoi s’inquiéter outre mesure, au moins pour trois bonnes raisons.
Premièrement, la Constituante, qui aura pour principale mission d’élaborer une
nouvelle Constitution, sera élue au scrutin proportionnel. Cette représentation
proportionnelle, un système plurinominal, prévoit le vote sur des listes
électorales (listes de partis et listes indépendantes) et permet d’attribuer à
chaque liste des sièges selon le pourcentage des voix obtenues lors des
élections.
A la faveur de la proportionnelle, toutes les catégories sociales seront
représentées au sein de l’Assemblée constituante. Ce régime encourage
particulièrement la représentativité des femmes et des jeunes et leur donne
l’opportunité de participer à l’élaboration de la nouvelles Constitution, et
surtout, à disposer de la possibilité de défendre les acquis de la femme.
Moralité: aucun parti ou mouvement politique ne disposera de la majorité absolue
au sein de cette Constituante.
Le deuxième élément qui milite en faveur de cet optimisme est manifestement la
création d’une commission indépendante pour l’organisation des élections de la
Constituante. Créée en vertu des décrets-lois N°27 et N°35, l’Instance
supérieure indépendante pour les élections (ISIE) vient remplacer le ministère
de l’Intérieur qui traîne le sinistre souvenir d’avoir toujours falsifié les
résultats des élections, depuis l’accès du pays à l’indépendance.
L’ISIE a reçu pour mission de veiller à ce que les élections se déroulent d’une
manière démocratique, plurielle, honnête et indépendante. Concrètement, elle est
chargée de préparer les élections, d’en assurer la supervision et le contrôle de
toute l’opération électorale (préparation du calendrier des élections,
établissement des listes des électeurs, explication du mode du scrutin…).
A retenir donc: pour la première fois dans l’histoire de la Tunisie, les
élections seront transparentes. Et ce n’est pas peu de choses.
La troisième raison d’espérer est, de toute évidence, la grande force morale
dont jouit le peuple tunisien, depuis le 14 janvier 2011. Ce peuple, qui a mis
fin à une des dictatures «les plus sophistiquées du monde» et a eu le grand
mérite d’enclencher le processus du «Printemps arabe», a franchi le Rubicon de
la peur et a arraché, haut et fort, le droit de manifester, de jouir de la
liberté et de combattre, par tous les moyens, toute contrerévolution qui
l’interdirait.
La prise de conscience du Tunisien de la liberté et son attachement indéfectible
à cette valeur sont tellement forts qu’aucune force réactionnaire ne peut l’en
démettre. En témoigne, pour tous ceux qui ne veulent pas encore le croire, la
facilité avec laquelle il descend, aujourd’hui, dans les rues, le courage avec
lequel il s’exprime et l’aisance avec laquelle il accède à l’info, à la bonne
info.