Les réfugiés, les échanges, la sécurité… est-ce seulement pour cela que nous
nous sentons tellement concernés quand quelque chose se passe en
Libye? Surtout
quand il s’agit d’un événement qui marque un tournant décisif dans
l’affrontement entre les Libyens et les sbires d’un monstre sanguinaire qui n’a
pas hésité à en tuer plusieurs centaines au cours des six derniers mois. La
prise de Tripoli, de plus en plus avérée alors que les révolutionnaires sont de
plus en plus nombreux à déferler dans les artères de la ville, nous a tous pris
à la gorge alors que nous étions restés scotchés aux télés jusqu’au delà de 4h
du matin entre le 21 et le 22 août.
Et rien n’y fit que Seif el Islam, fils du colonel, apparaisse en pleine forme
après des rumeurs qui le donnaient pour prisonnier de l’Ouest, et anime, entre
le 22 et le 23, une mise en scènes (réussie, on doit dire) où un petit nombre de
fidèles voulait donner l’impression d’être une foule immense.
Toutes les villes tunisiennes ont été en liesse la nuit du 21 au 22 alors que se
mélangeaient Tunisiens et Libyens dans un même élan, comme pour faire enfin
sortir toute cette pression accumulée sur la poitrine des uns et des autres
depuis des mois. Un peu ébahis quand même par la facilité avec laquelle la ville
passa entre les mains des révolutionnaires; entre 80 et 90% de la cité,
disent-ils, excluant notamment le complexe de Bab el Aziziyya où les
escarmouches se multipliaient au fil des heures.
Une pression qui semble tomber de manière irréversible malgré la sortie de Seif
el Islam devant les caméras, malgré les rumeurs, malgré cette histoire sordide
d’escalade à l’explosif visant l’ambassade du Qatar, malgré l’incertitude… à
tel point que déjà de nombreuses familles libyennes ont repris le chemin inverse
vers leur patrie, même si nous sommes tous désormais convaincus à jamais que les
Tunisiens et les Libyens ont beaucoup plus en commun que ce qu’on leur prête.
Maintenant, c’est la bataille de Bab el Aziziyya qui occupe les esprits mais pas
de la manière que l’on pourrait imaginer. Car, réfléchissez bien, comment les
révolutionnaires ont-ils pu entrer dans Tripoli si rapidement et à si peu de
pertes? De fait, il semble que les officiers chargés de tenir le front auquel
tout le monde s’attendait aient fini par comprendre que rien ne valait la peine
de verser le sang libyen. Et, quand le moment viendra de livrer la dernière
bataille, celle de Bab el Aziziyya, avant que ne tombe le colonel Kadhafi, qui
vous dira que les officiers libyens porteront vraiment les armes contre les
Libyens. Oui, il y a toujours les problèmes des mercenaires, mais vous savez ce
que l’on dit de ceux qui se battent pour de l’argent!