Tunisie – Corruption : «Nous n’épargnerons pas les hommes de l’ombre qui se sont enrichis»,dixit Adel Ben Ismaïl


adel_ismaiil-13072011-art.jpgLa mise sous séquestre de tous les biens de la famille de l’ancien président
ainsi que ceux des familles proches et alliés par le décret-loi n°13 a rassuré
une grande partie de la population tunisienne qui avait peur que ceux qui ont
profité du système s’en sortent à bon compte.

Le décret n’a toutefois pas recueilli l’unanimité de tous et parmi les critiques
qui lui ont été adressées, son anti-conformité à la Constitution mais aussi le
fait d’avoir mis dans le même sac et au même degré de responsabilités les
personnes incriminées. « A situation exceptionnelle, mesures exceptionnelles »,
rétorque
Adel Ben Ismaïl, président de la commission de confiscation des biens
mal acquis. Les mesures spécifiques sont le propre d’une justice
transitionnelle, explique t-il. Les voies de recours sont possibles et ceux qui
considèrent qu’ils sont ou ont été lésés peuvent porter plainte devant les
tribunaux en prenant en compte une autre exception : le fait d’avoir à prouver
leur bonne foi lors de l’acquisition des biens confisqués. «C’est cela aussi,
une justice transitionnelle, ce n’est plus au dépositaire du recours de prouver
la culpabilité de ou des personnes incriminées, c’est plutôt à elles d’apporter
les preuves de leur conformité au droit et du fait qu’elles n’ont pas lésés les
droits d’autrui ou de l’Etat. C’est ce qui s’appelle l’exception au principe de
la présomption de bonne foi. Ceci dit, le décret d’application promulgué au mois
de mai exclu les biens hérités de l’acte de confiscation ».

La valeur des actifs confisqués évaluée d’après l’expert comptable Salah Dhibi à
3 milliards de dinars (1,5 milliard d’euros) et qui peuvent atteindre les 5
milliards si on y ajoute les titres fonciers, qui ne seraient pas moins de 600
d’après les dernières estimations.

A ce jour la commission de Confiscation a envoyé à la commission de gestion du
ministère des Finances la liste de toutes les entreprises du groupe Princesse
Holding, la SOTUDEV appartenant auparavant à Imed Trabelsi ainsi que Batimed et
Med Business Holding qui possède des participations dans la Banque congolaise de
l’Habitat.

Les voies de recours sont-elles possibles ?


Les concernés ont-ils une voie de recours, pour faire valoir leurs droits ? Trop
tôt pour le savoir, disent les observateurs. Le temps est à la patience.

Ceux qui ont fait recours au Tribunal administratif ont été déboutés « Le
tribunal a jugé les plaintes non recevables car il ne s’agit pas de décisions
administratives ». Ceux qui s’estiment avoir été lésés doivent être patients
estime Me Nadia Felah. «Pour réaliser la justice et l’équité, il faut tolérer la
lenteur de l’appareil judiciaire».

En attendant, la commission compte s’attaquer à tous ceux qui ont profité du
système : des hommes de main, aux sociétés écran et passant par les initiateurs
et les architectes de plans d’escroquerie et de spoliation des biens de l’Etat
et d’autrui pour le compte de la famille. «Nous ne laisserons pas échapper les
hommes de l’ombre, ceux qui se sont enrichis impunément. Nous avons déjà des
indices sur un certain nombre de personnes avec des listes non achevées des
biens acquis de manière illicite. Nous commençons à débroussailler le terrain et
dans peu de temps nous aurons plus de visibilité, ce qui nous permettra de
rassurer au plus tôt la communauté d’hommes d’affaires qui n’ont pas participé à
des malversations et qui forment le plus grand nombre des opérateurs privés»
assure M.Ben Ismail. Un alinéa du décret-loi promulgué au mois de mars autorise
d’ailleurs la commission à étendre la confiscation à toute personne possédant
des biens mal acquis. « Il y aura une première et une deuxième ligne
d’initiateurs ».

Mais la commission ne fera en aucun cas de la chasse aux sorcières « Nous
voulons juste délimiter le cercle des personnes impliquées dans les actes de
mise à sac du pays. Nous ne ferons pas de vendetta et nous tenons à préserver
les intérêts des opérateurs privés autant qu’ils le veulent eux-mêmes ».

La mise sous séquestre peut être définitive, elle peut être également une mesure
préventive ou conservatoire, pour empêcher les concernés de profiter des
avantages acquis tout au long de l’ère Ben Ali et de les céder à des tiers. «
Ceux qui arrivent à donner toutes le preuves de l’honnêteté de la provenance de
leurs fortunes n’ont pas à s’inquiéter. Ceux qui se sont adonnés en connaissance
de cause à des pratiques malhonnêtes ou ont abusé de leur pouvoir pour
s’enrichir impunément doivent assumer leurs responsabilités », estime Adel Ben
Ismaïl.