Le retour de Ammar 404 : Internet sous censure en Tunisie!

Par : Tallel

La Tunisie vit au rythme des avocats. Après la dictature de Ben Ali, voici
maintenant nos chers avocats qui font parler d’eux, relançant ainsi leurs
activités, et vont jusqu’à s’intéresser au domaine des Technologies de
l’information et de la communication (TIC). En effet, on trouve le collectif des
25 avocats qui poursuivent les symboles de l’ancien régime, et le collectif des
fameux 3 avocats qui ont porté plainte contre l’ATI (Agence tunisienne de
l’Internet) et qui ont gagné leur cause en obligeant celle-ci à filtrer les
sites à caractère pornographique.

Mais voilà qu’on remplace une ancienne censure, et un filtrage des sites
politiques et d’opinions par un autre filtrage des sites pornographiques ou
jugés dangereux pour la morale.

Toutefois, cette nouvelle situation pose 3 problématiques.
La première, c’est comment et qui détermine qu’un site est pornographique ou
non? Est-ce qu’un site qui traite de l’histoire du Kamasutra en Inde est jugé
immoral? Est-ce qu’un jeune tunisien (ou tunisienne), qui souhaite en savoir sur
la vie sexuelle ou sur la vie intime et qui consulte des sites scientifiques ou
médicaux est un pirate? Et donc on doit le bloquer? Doit-on censurer tout site
qui parle des pratiques sexuelles, des positions sexuelles, à titre d’exemple?
Donc il y a un réel problème de limite.

Deuxièmement, la mise en place du filtrage web depuis quelques jours par l’ATI
et les FSI (Fournisseurs de services Internet) ainsi que la mise en place de
proxy, filtres et autres logiciels de blocages, tout ceci a entraîne la baisse
sensible de la qualité d’Internet, avec des pertes de milliers de mails
engendrant par ricochet des dommages voire des pertes pour les entreprises, sans
oublier des lourdeurs pour la navigation sur le web. Une dégradation de taille
et qui nous fait retourner, de point de vue qualitatif, à la situation d’avant
le 14 janvier 2011.

La troisième problématique est d’ordre philosophique et des libertés
fondamentales. En effet, qui a le droit de nous interdire d’accéder à un site
pornographique? Et qui lui a donné ce pouvoir régalien? Sachant que tous les
Tunisiens utilisateurs de la fameuse Dream Box pour l’accès gratuit aux chaînes
satellitaires cryptées savent qu’ils ont un bouquet de chaînes “Adult“, avec des
dizaines de chaînes pornographiques, et que plusieurs adultes et jeunes
regardent avec hypocrisie, en secret tard le soir loin du regard de l’épouse et
des enfants en toute impunité. Doit-on les interdire aussi?

Doit-on installer une “Autorité Publique Supérieure du Contrôle de notre vie
intellectuelle“? Ce qu’on regarde ? Où on navigue? Ce qu’on doit lire?

La grande interrogation aujourd’hui c’est de savoir si nous nous dirigeons tout
droit vers une nouvelle dictature. Les Tunisiens auraient-ils dégagé Ben Ali
pour installer une nouvelle dictature? La liberté ne se limite pas, soit elle
est totale, soit elle ne l’est pas, du moins dans l’espace prive. Chez moi à la
maison, j’ai le droit de regarder et de lire ce que je veux et sans aucune
limite.

Oui, dans l’école, dans un Publinet ou dans l’espace public, notre liberté est
limitée –c’est normal, car par définition, “ma liberté s’arrête où commence
celle des autres“. Cependant, il y a d’autres solutions, comme “l’accord
parental“ ou des “services de veille“ commercialisés par les FSI, et non cette
punition générale au nom de la morale.

Morale et liberté ne peuvent pas cohabiter, au risque de retour de notre Cher
AMMAR 404, qui a réinvesti la toile tunisienne, annonçant la fin de la partie et
le retour des contrerévolutionnaires.