Tunisie : Me Moneem Turki, avocat de ”Ammar 404”

Me Moneem Turki, avocat et docteur d’État en droit, est (avec Me Imed Saaydia et
Me Ahmed Ben Hasséna) l’un des avocats de “Ammar 404“ contre l’Agence tunisienne
de l’Internet (ATI) pour maintenir la censure sur la porno… Cela a suffi pour
les accuser immédiatement d’être les instruments de la mouvance islamique que
beaucoup accusent de vouloir instaurer un certain ordre moral contraire aux
libertés individuelles!

WMC: Me Turki, où en êtes-vous avec l’affaire qui vous oppose à l’ATI à propos
de censure sur les sites porno?

Me Moneem Turki: L’affaire vient d’être définitivement tranchée par la Chambre
des référés à la Cour d’Appel de Tunis qui a rendu le 15 août dernier son
jugement définitif confirmant le jugement de première instance et déboutant
ainsi la partie adverse qui est désormais obligée (et ce depuis même le refus
prononcé par la Cour d’Appel de Tunis de suspendre l’exécution du jugement (le
13 juin dernier), d’exécuter la décision de justice et de censurer tous les
sites à caractère pornographique sur tous le réseau Internet qui alimente le
territoire national, et ce dans les plus brefs délais. Mais, je suis presque sûr
et certain que l’ATI usera de tous ses moyens légaux et autres pour empêcher ou
au moins retarder le plus longtemps possible l’exécution du jugement, surtout
après les déclarations des représentants de l’ATI qui continuent encore de
critiquer d’une manière injustifiée et virulente un jugement qui me semble
fondé, tant sur le plan factuel que sur le plan juridique, et qui à mon sens
n’est pas susceptible d’être cassé au cas où la partie adverse irait se pourvoir
en cassation.

Cette affaire a divisé l’opinion publique, vous dites que beaucoup de gens vous
soutiennent, mais il faut reconnaître que beaucoup d’autres vous critiquent et
vous accusent même d’être l’outil de la mouvance islamique que beaucoup accusent
de vouloir instaurer un certain ordre moral contraire aux libertés
individuelles?

Il est vrai que depuis le tout début de l’affaire et surtout après la décision
de première instance, nous avons été la cible, mes deux confrères (Me Saaydia et
Me Ben Hasséna) et moi, de critiques très virulentes dépassant même le seuil de
la décence et du respect de nos personnes par des individus qui se déclarent
être les défenseurs des libertés et surtout celle de penser et de s’exprimer,
nous avons même été l’objet d’une très grande campagne sur le Net faite
d’injures et de menaces révélatrices d’une certaine misère intellectuelle dont
souffrent ces pseudo-chantres des libertés individuelles et à laquelle nous
n’avons pas souhaité jusqu’à présent y répondre vu la bassesse de leurs propos.

Mais, je répondrais à certaines critiques infondées qui ne cessent d’être
relayées et répétées à travers les différents médias et qui nous accusent d’être
instrumentalisés par la mouvance islamiste de ce pays en faisant allusion au
parti Ennahdha ou Ettahrir qui nous ont payés (ou utilisés tels des pions) pour
instaurer un certain ordre moral cher à ces partis et à bon nombre de nos
concitoyens (il faut bien le reconnaître). Ceci est totalement faux, et je vous
confirme que la demande de censurer les sites pornos n’émane que de notre
volonté libre et indépendante de tout courant politique quel qu’il soit, et que
cette demande a été motivée par l’inquiétude d’un bon nombre de Tunisiens que
nous avons l’honneur de représenter dans cette affaire, qui ont découvert par
hasard la levée de la censure sur les sites à caractère pornographique menaçant
la santé affective et psychique de leurs enfants ainsi que les relations
familiales et la solidité des couples à travers ces sites qui incitent à la
débauche et à la perversion sexuelle, sans oublier le danger des sites
pédopornographiques sur nos enfants qui peuvent être victimes d’exploitation
sexuelles.

Nous avons voulu protéger notre société contres ces sites contraire à la morale
et aux valeurs arabo-musulmanes, et aussi contraire à la loi pénale tunisienne
qui interdit toute infraction à l’ordre public moral telle que l’incitation à la
débauche, l’homosexualité, la pédophilie… et dont on trouve une incitation à la
commission de ces crimes et délits dans les sites pornos. Nous avons voulu
servir notre cause et notre pays sans plus.

Selon vous, quelle sera la suite de cette affaire après l’annonce faite par le
PDG de l’ATI déclarant son intention de se pourvoir en Cassation?


J’ai malheureusement appris la décision de l’ATI de se pourvoir en cassation. De
toute façon, c’est de leur plein droit, mais je suis presque convaincu que l’ATI
ne cherche qu’à gagner un peu plus de temps afin de retarder le plus longtemps
possible l’exécution du jugement qui est contraire aux intérêts économiques de
ses actionnaires qui j’imagine font pression sur l’actuel PDG qui est en train
de défendre une décision politique prise avant même sa nomination à la tête de
l’Agence, et qui, au lieu de se résigner à la décision de justice, comme il l’a
déjà fait en censurant les pages Facebook à la demande du tribunal militaire
permanent de Tunis, continue sa fuite en avant et sans conviction apparente.
Seule l’exécution rapide, totale et inconditionnelle peut redorer l’image de
l’ATI plus connue sous le nom de ”Ammar 404” qui a fait de la censure
arbitraire des sites d’opposition et de libre expression sa première
préoccupation servant ainsi, et pendant des années, d’espion mouchard au service
de la dictature.

Nous sommes prêts pour défendre encore une fois notre affaire s’il le faut
devant la Cour de Cassation et nous sommes très confiants quant à l’issue du
procès s’il aura lieu.