A Kairouan plus que dans d’autres villes tunisiennes, l’Aïd El Fitr est
synonyme d’une journée bien pleine. Visite des parents et amis, mais aussi
prières, visite des cimetières et randonnées en 404 bâchées et autres Isuzu.
Sans oublier un passage quasi obligé par les cafés. Malheureusement, toutefois,
plus rien ou presque avec la tombée de la nuit.
Tout commence, à Kairouan, en cette journée chaude de l’Aïd El Fitr 2011, par la
prière. Des centaines de personnes convergent vers les mosquées de la ville pour
la prière de l’Aïd. Un moment fort de la journée.
La prière de l’Aïd terminée, les Kairouanais ont pris le pli de visiter les
cimetières. Le cimetière de Koureïch, le plus important de la ville, du nom de
la célèbre tribu mecquoise, connaît en ce mardi 30 août 2011 une affluence
record. La plaque placée à l’entrée du cimetière assure que la petite fille du
second calife bien guidé de l’Islam, Omar Ibn Al Khatab (634-644), y est
enterrée.
Les trottoirs de la rue qui fait face au cimetière, et même la chaussée, sont
pris d’assaut dès les premières heures de la journée par une foule de
commerçants ambulants qui ont planté anarchiquement leur étal.
On y voit même une calèche
Barbes à papa, sandwichs, fricassés, pop corn, jouets pour enfants, tout y est
ou presque. Un vendeur de Makroudh, un gâteau largement apprécié des habitants
de la ville, a installé un étal devant la porte du cimetière, condamnant une
partie de l’accès. Des commerçants sont même venus proposer aux visiteurs du
cimetière de la friperie… et des détergents.
«Chaque année, c’est le même spectacle», commente Ridha, costume gris et cravate
rouge, artisan plombier, qui dit venir ici pour honorer la mémoire de son père,
décédé depuis une dizaine d’années. Il vient tous les Aïds ici accompagné de ses
deux fils, Mourad, 7 ans, et Othmann, 4 ans.
Il assure, toutefois, que le désordre est plus apparent cette année: les
commerçants ont utilisé le moindre centimètre carré des trottoirs et de la
chaussée rendant la circulation extrêmement difficile.
Des personnes convergent au cimetière en 404 bâchées. Renseignement pris auprès
d’un habitant du quartier, il s’agirait de personnes qui viennent de loin,
quelquefois des villages et villes situés dans les alentours de Kairouan et dont
l’un des parents a été enterré à Koureïch depuis de longues années.
D’autres passants assurent qu’il s’agirait de personnes certes des environs de
la ville, mais venues tout simplement en visite à Kairouan le jour de l’Aïd. Le
même spectacle est perceptible dans d’autres artères de la ville. Comme devant
le mausolée d’Essayed Essahbi, l’un des saints de Kairouan, connu sous le nom de
Barbier, un des lieux les plus visités de la ville les jours de fête.
On y voit des 404 bâchées et autres Isuzu et même une calèche. La route qui va
du mausolée du barbier à l’hôtel Continental est prise d’assaut par ces moyens
de transport. Le centre de loisirs situé dans le périmètre des bassins des
Aghlabides, un des monuments architecturaux de Kairouan, est situé sur cette
route qui conduit à Tunis.
Ce centre comprend un café, un restaurant, une aire de jeu pour les enfants et
des espaces verts. On y rencontre, d’habitude, le jour de l’Aïd, des enfants
portant des vêtements neufs. Le jour de l’Aïd, est une journée consacrée aux
sorties. Mais pas seulement pour les enfants. De nombreux adultes qui portent, à
leur tour, des habits acquis spécialement pour l’Aïd, viennent prendre un peu de
bon temps dans ce complexe.
La Mloukhia à l’honneur
A Kairouan, en ce jour de l’Aïd El Fitr, une des plus grandes préoccupations
consiste à trouver du pain. Les rares boulangeries ouvertes connaissent des
queues interminables. Un pain d’autant plus nécessaire que de nombreuses
familles préparent de la Mloukhia, un plat préparé avec une poudre de couleur
verte extraite des feuilles d’une plante qui s’appelle corète, du reste
largement connu.
Comme Ezzedine, commerçant de tapis, des Kairouanais achètent, toutefois, du
pain la veille. «Demain les choses devront plus ou mois rentrer dans l’ordre.
Les boulangeries ouvertes seront plus nombreuses», affirme-t-il. En assurant que
de toute manière «et pour éviter toute surprise, il a prévu de préparer un
couscous pour le lendemain».
L’après-midi est généralement consacrée à la visite des parents et des amis.
Samira, la cinquantaine, femme au foyer, regrette, cependant, que des personnes
sacrifient à cette habitude beaucoup moins qu’avant. «Téléphone et SMS font
l’affaire, pourquoi donc se déplacer», regrette-t-elle avec amertume. «Je le
vois bien autour de moi. On ne se déplace pas, de plus en plus, pour les très
proches ou lorsque les personnes à visiter ne peuvent pratiquement plus se
déplacer». Elle est très vite contredite par son mari qui assure qu’elle
exagère.
L’après-midi, beaucoup font la sieste. «D’autant plus qu’il fait très chaud»,
fait remarquer Ismaël, un fonctionnaire de La Poste, qui a prévu de rendre
visite à sa sœur le lendemain matin.
Le soir, c’est-à-dire à l’heure du Maghreb, et après avoir fait sa prière, il
compte se rendre dans un café de la ville pour souhaiter un Aïd mabrouk aux
nombreux amis avec lesquels il a pris un peu de bon temps toutes les nuits de
ramadan au tour d’un jeu de cartes.
Il ne compte pas s’attarder. La ville, il en a l’habitude, ne ressemble à rien
le soir de l’Aïd El Fitr. «Les cafés ferment au plus tard vers 22 heures et la
rue se vide peu à peu après la prière d’El Yichâa. Il faudra bien s’habituer à
la fin du ramadan qui coïncide, cette année, avec le retour de la double
séance», affirme-t-il.
Mohamed Farouk