Parcs à thème : défendues par les lobbies, les niches fiscales ont la vie dure

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Le Futuroscope de Poitiers (Photo : Frank Perry)

[01/09/2011 16:08:46] PARIS (AFP) Le vif débat sur le relèvement de la TVA pour les parcs à thème est symptomatique de la difficulté, malgré la priorité donnée à la chasse aux déficits, de s’attaquer de front aux niches fiscales, défendues par des lobbys relayés par des élus de tous bords.

“Dès qu’une catégorie voit son avantage remis en cause, elle monte au créneau, c’est assez classique, ça s’appelle le lobbying”, relève le rapporteur UMP du budget au Sénat, Philippe Marini.

L’épisode se révèle ainsi être l’illustration parfaite de l’adage selon lequel “dans chaque niche, il y a un lobby qui aboie”.

Le constat est paradoxal: alors que le plan d’austérité gouvernemental doit faire rentrer onze milliards d’euros supplémentaires dans les caisses publiques en 2012, c’est la mesure qui rapporte le moins, à peine 90 millions par an, qui a provoqué la principale levée de boucliers.

En cause, le relèvement à 19,6% de la TVA pour les Disneyland Paris, Futuroscope et autres Parc Astérix, qui bénéficiaient depuis 1986 d’un taux de 5,5%.

Plusieurs voix se sont levées, dans la majorité mais pas uniquement, pour s’y opposer, au nom de l’emploi et de la justice sociale. Parmi les meneurs de la fronde, Philippe de Villiers, initiateur du parc du Puy-du-Fou en Vendée, et Jean-Pierre Raffarin, sénateur UMP de la Vienne – le département du Futuroscope…

Une fronde qui a porté ses fruits: initiée par le patronat du secteur, le Snelac, relayée par le Club France Terre de tourisme qui réunit des professionnels du secteur et 210 parlementaires, elle a déjà abouti à la suppression de la surtaxe, mercredi par la commission des Finances de l’Assemblée.

Selon une source proche du gouvernement, “cette polémique est symbolique de la difficulté de supprimer des niches fiscales en France”.

“De nombreux élus se sont opposés à la mesure parce qu’ils ont un parc dans leur circonscription”, confirme Philippe Marini. “Mais il faut passer outre”, s’emporte-t-il.

Le gouvernement fait valoir que la TVA réduite a été accordée en 1986 pour favoriser le développement de parcs à thème encore balbutiants à l’époque et que leur essor justifie aujourd’hui la fin d’un tel privilège.

Mais les détracteurs de la mesure ont brandi un argument massue: grâce à un convention signée avec l’Etat en 1987, Disneyland Paris, de loin le premier parc français, pourrait échapper au relèvement de la TVA. Eurodisney pourrait invoquer pour cela la sauvegarde de ses intérêts économiques, a confirmé à l’AFP une source proche du dossier.

Du coup, surtaxer ses concurrents serait malvenu.

Bercy s’élève contre cette interprétation. “Soumis comme les autres au taux de TVA établi par la loi”, Disneyland “serait même le premier contributeur en cas de hausse de la taxe, tranche le ministère.

Dur dur, donc, de réduire les niches fiscales, alors même que les rapports sur l’inutilité d’une grande partie d’entre elles se multiplient. L’inspection générale des finances recense ainsi plus de cinquante milliards de mesures peu ou pas efficaces.

Pour Philippe Marini, cet incident prouve qu’il faut “éviter de prendre de front telle ou telle catégorie” mais au contraire “raboter toutes les niches de manière uniforme”.

L’économiste Thomas Piketty y voit de son côté la confirmation d’un “débat fiscal qui ne tourne pas rond”.

“La TVA est un impôt aveugle, si on veut épargner les plus modestes on crée des taux réduits sur des secteurs, mais après on entre dans des discussions sans fin, pourquoi les parcs à thèmes et pas les activités de plein air, pourquoi tel produit plutôt qu’un autre, etc.”, explique-t-il. Il plaide donc pour une “révolution fiscale” avec notamment une TVA unique et plus modérée.