L’état peut-il s’obliger à dépenser uniquement selon ses moyens, donc ses recettes et non selon les besoins de la communauté nationale? En un mot, l’Etat peut-il renoncer au déficit et à l’endettement?
Au plan méthodologique, pour ne plus avoir à trembler des retombées de la crise de la dette souveraine, il n’y rien de mieux que de sevrer l’Etat et le contraindre à ne plus s’endetter. L’envers de la question est tout aussi tranchant. L’Etat peut-il se passer du déficit donc renoncer à se servir des instruments budgétaires comme éléments de régulation, notamment par temps de crise? Renoncer au déficit et à son corollaire, l’endettement de l’Etat, c’est traiter le problème à la racine. En effet, c’est une thérapie qui a l’avantage d’être radicale. On voit la France, en ce moment, prendre la tête d’une croisade pour instaurer la règle de l’équilibre budgétaire dans sa Constitution. Une bonne pratique de gestion peut-elle devenir une règle constitutionnelle, donc un engagement politique, inviolable?
A l’origine du déficit: La croissance à tout prix
Il faut admettre que les instruments budgétaires de régulation de l’économie sont des mécanismes d’intervention économique de forte efficacité. De même que les instruments de politique monétaire lesquels sont souvent utilisés, ensemble. La tentation est toujours grande de recourir au budget expansionniste, comme principal levier de soutien à la croissance. En ces temps où l’exigence et l’appétit de croissance, devenus la règle les Etats, ont banalisé l’option interventionniste, elle-même devenue règle courante et usuelle. L’idée était que l’on peut laisser filer le déficit, pour susciter de la croissance et se rattraper en bout de course sur la fiscalité. En soi, c’est un pari, mais il ne manque pas de cohérence. L’idée que l’Etat dépense plus que ses rentrées n’est plus tabou. Et pour combler le déficit, l’opinion publique, les responsables politiques acceptent que l’Etat s’endette. D’ailleurs, la vague de pensée libérale qui a submergé le monde a bâti une architecture financière dédiée à cet état de fait.
Le marché de la dette souveraine, depuis les années 80, époque où a triomphé définitivement la pensée libérale, a connu une expansion phénoménale. L’avantage, ici, c’est que l’Etat se comporte comme un agent économique. Quand il émet de la dette, il sert de référence au «pricing» du risque. Etant l’agent économique le plus “sécure“, il étalonne les marges de risque, que les bailleurs de fonds facturent aux opérateurs privés. Mais l’arrangement de base, qui consistait à laisser filer le déficit et se rattraper sur la fiscalité, ultérieurement, s’est substitué à la politique économique. Son usage a été exagérément déformé.
Equilibre budgétaire strict et sévère: la panacée?
Economistes, conjoncturistes, économètres s’accordent à dire que l’équilibre budgétaire est une mesure suprême pour tuer l’inflation dans l’œuf. Il faut naturellement l’accompagner par d’autres mesures d’accompagnement tel que l’indépendance de la Banque centrale à l’effet de barrer le recours au compte avances à l’Etat, c’est-à-dire le recours à la planche à billets. Il y a également la règle annexe de démonétisation de la dette. C’est quand la BCT refuse de prendre les obligations d’Etat. Cette abstinence de l’Etat est un excellent remède pour un ordre monétaire et économique sain. Il est vrai qu’il marque une avancée en matière de gouvernance dans la gestion des finances publiques. L’ennui est que cette situation de diète financière publique n’est pas souvent soutenable dans les pays émergents, tel la Tunisie où les réformes ne sont pas allées jusqu’au bout.
Dans le contexte actuel beaucoup de voix s’élèvent appelant à revoir le principe de la compensation. C’est vrai que la Caisse de compensation plombe le budget de l’Etat. On affecte la somme de 5,8 milliards de dinars à la compensation (alimentation, énergie). Ce montant est supérieur au budget investissement public qui est de 5 milliards. En l’apparence, c’est irrationnel. Mais en fait, c’est une digue contre la fracture sociale. Cette situation doit-elle pour autant perdurer? Il est évident que la compensation se substitue à une véritable politique sociale. A présent, avec la démocratie et la légitimité, il faudra bien élaborer une politique sociale cohérente, équitable, et financièrement viable, qui soulagerait le budget. C’est pareil pour les subventions et autres exonérations accordées à l’investissement qu’il faudra donc remplacer par une politique de la promotion de l’investissement avec un souffle nouveau.